QUI JE SUIS ?
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Ce n'est plus possible Edward, je vous préviens. Si cela ne cesse pas je me verrais contrainte de quitter cette maison !" Assit dans les grands escaliers du hall d'entré du Manoir Wintherfield, un petit garçon de six ans regardait ses parents se disputer dans le salon. Il savait qu'il était la cause de cette dispute, même s'il était encore très jeune Felix savait qu'il était la cause de cet ultimatum dont il ne comprenait pas très bien les enjeux. Sa mère criait après son père parce qu'il n'avait pas été sage. Il essayait pourtant de se tenir tranquille, de suivre les conseils des différents médecins consultés, il la laissait la plonger dans des bains de glaçons, il restait sagement allongé dans le noir des jours durant mais rien n'y faisait. Mère n'était jamais satisfaite de son comportement. Il ne savait pas comment il faisait. Il ne comprenait pas. Il était bien trop jeune pour maîtriser un pouvoir qui des années plus tard serait son meilleur allié dans le monde de l'entre deux guerres. Il n'était qu'un petit garçon, un petit garçon différent qu'on punissait pour quelque chose dont il n'était même pas contient. Il était différent, et sa mère s'efforçait d'effacer cette aberration jours après jours, mais pour elle, tout était de sa faute, il était un mauvais petit garçon, un méchant garnement qui s'acharnait à ridiculiser sa famille. Il ne l'avait pas fait exprès, il avait essayé de se tenir tranquille, d'être sage. Il avait vraiment essayé. Winifred Berkley c'était moqué de lui. Il ne l'avait pas fait exprès. Elle s'était enfuit en courant lorsque quand elle l'avait touchée elle avait sentie l'air crépiter autour d'eux, le ciel s'assombrir. Il ne l'avait pas fait exprès. Sa mère avait été témoin de toute la scène et pour le punir l'avait aussitôt enfermé dans sa chambre sans dîner. Il regardait ses parents se disputer alors que silencieusement des larmes d'impuissance et de dégoût roulaient sur ses joues. Pourquoi ne pouvait-il pas être un petit garçon normal ?
Le Pensionnat combien de fois son père l'avait-il menacer de l'envoyer dans un Pensionnat si son comportement n'évoluait pas, combien de fois ? Il n'était plus l'enfant que l'on persécutait autrefois. Il avait changé, gagné en assurance et il avait aujourd'hui la certitude de ne pas être une anomalie génétique mais bel et bien quelqu'un d'à part. Il ne voulait plus faire semblant d'être un autre. Alors bien sur il avait passé plus de temps à s'amuser à contrôler ses dons qu'à travailler à l'école. Il avait passé plus de temps à s'amuser avec des jeunes filles qu'à suivre en cours. Après le départ de sa mère alors qu'il avait tout juste neuf ans Felix s'était débrouillé seul, loin de sa tyrannique génitrice le jeune garçon sage s'était transformé. Il avait fait ses propres expériences et avait commencé à se considéré comme un être extraordinaire. Sa vision du monde avait changé. Il n'était plus l'enfant chétif que tout le monde tyrannisait dans une école chic et privé d'Angleterre. A quinze ans il était devenu un adolescent athlétique et un nouveau Casanova. Il n'aurait jamais pensé que son père finirait par mettre sa menace à exécution. L'écosse. C'était dans un coin verdoyant de Grande Bretagne que son père avait décidé de l'expédier, si cela contrariait ses projets Londonien, la destination ne le dérangeait pas outre mesure, il pourrait plus facilement s'entraîner ici, car son pouvoir était encore instable, s'il maîtrisait l'électricité qui fusait de ses paumes, il ne contrôlait pas suffisamment ses émotions pour le contrôle des orages, il ne s'était d'ailleurs plus employé à flirter avec une fille depuis qu'une d'entre elle avait été expédiée au pays de Morphée par une puissante décharge électrique alors qu'ils se caressaient mutuellement dans la chambre de la jeune fille. Il poussa un profond soupir de frustration qui lui attira le regard du chauffeur qui le conduisait jusqu'au Pensionnat. Même le personnel était heureux de se débarrasser de lui et de ses frasques. Depuis bien longtemps on ne mettait plus ses excès sur le compte du départ de sa mère, et tous vivaient son départ avec un profond soulagement. Il adressa un sourire à son chauffeur, plein d'arrogance et de mépris. Une fraction de seconde l'idée le traversa de décharger le trop plein de puissance contenu en lui sur le moteur de la pauvre voiture afin de prolonger la souffrance de son conducteur puis il pensa au Pensionnant, aux hectares de lande qui lui permettrait de disparaître au grès de son envie et de tester les limites de ses facultés. L'Ecosse. Non mais franchement.
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Aller je sais que tu peux faire mieux que ça. Ou bien son altesse est-elle trop fatiguée pour se donner la peine de se défendre ?" La provoqua t-il en essuyant le sang qui maculait sa lèvre. Il avait heurté de plein fouet un foutu pin lorsqu'elle l'avait envoyé balader au travers de la lande. Il s'était pourtant relevé, puissant dans ses ressources pour lui faire face à nouveau. Il accompagna sa remarque d'une décharge électrique qui la toucha dans le bas des reins et la fit aussitôt réagir. Un nouveau vol plané, cette fois il termina sa course dans les hautes herbes. L'idée lui vint alors qu'il était temps de faire une pose. Ne lui avait-elle pas promit une fin de soirée mémorable ? Il estimait avoir fait assez de vols planés pour la journée. Alors, il resta allongé dans l'herbe, immobile, contrôlant parfaitement sa respiration. Il l'entendit pester, l'appeler puis s'approcher rapidement. Les yeux fermés il imaginait chacun de ses gestes, son visage aux traits altiers crispé de colère puis la surprise et enfin l'inquiétude. Il avait trouvé en débarquant à Hill Grove bien plus qu'il ne l'avait espéré. Il l'avait découvert elle. Enfin plus exactement elle l'avait découvert. Lorsqu'elle l'avait éloignée d'une décharge mentale la première fois, il avait été surpris. C'était un soir d'octobre, il l'avait abordé avec son assurance habituelle et ses propos à peine voilée sur ses pouvoirs. "entre nous ça a toujours été électrique". Il y avait chez cette brunette chétive une grâce et une aura qui l'attirait indubitablement. Qu'elle lui résiste, le prenne de haut l'avait encouragé à vouloir la faire sienne. Lorsqu'elle en avait eut assez de ses approches, elle avait essayé de l'éloigner autrement. La migraine carabinée qui s'en était suivit aussitôt l'avait fait vacillé. Il avait mit du temps à comprendre ce qu'elle était. Différente tout comme lui. Plus de temps encore à l'apprivoiser. Il avait finit par la faire sienne, la posséder corps et âme et enfin il s'était sentit en osmose avec quelqu'un, compris et aimé pour ce qu'il était. Cela durait depuis bientôt deux ans. Ils venaient d'avoir dix sept ans, et les choses entre eux avaient prit une dimension autrement plus profonde qu'une simple relation basée sur le sexe. Bien entendu il ressentait toujours un manque d'elle conscient de ne pas avoir une emprise totale sur sa compagne, un manque qu'il compensait par des relations sexuelles aussi imprévue que fougueuse, mais cela allait plus loin. Ensemble, ils s'entraînaient, ils se connaissaient si bien qu'il avait réussit l'exploit de faire l'amour avec elle sans la tuer. Elle s'était protégée de lui. Enveloppant son esprit dans un calme si profond qu'il se contrôlait désormais totalement. Elle se pencha au dessus de lui, ses longs cheveux bruns vinrent balayer le visage du jeune homme inanimé alors qu'elle s'accroupissait pour tâter son pouls il ouvrit les yeux et l'attira contre lui. "
J'aime quand tu t'inquiètes pour moi Gabrielle." Souffla t-il en l'embrassant. En réalité, il l'aimait tout court, mais cela il préférait se le cacher purement et simplement.
(...)
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Je dois m’en aller. » Il avait annoncé la chose calmement sur un ton presque badin alors qu’ils se reposaient confortablement sur le matelas de sa chambre. Elle ne sembla pas réagir, inconsciente de la gravité de ce qu’il était en train de dire.
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Je dois aussi rentrer à Noël. Ô joie de mon existence. » Souffla-t-elle en tournant son visage vers lui afin de déposer sur sa bouche un baiser. Il inclina le menton, échappant à ses lèvres qui réclamaient plus encore que des baisers. Elle fronça les sourcils et se redressa sur un coude. «
Tu rentres aussi à Londres pour les vacances d’hiver… N’est-ce pas ? » De l’inquiétude perçait dans sa voix alors que petit à petit elle prenait conscience de son visage fermé, de la froideur de ses traits et de la soudaine distance qu’il mettait entre eux.
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Je ne reviendrais pas. » Lâcha-t-il en se redressant. Il enfila son boxer d’un mouvement fluide, puis son jean avant qu’elle ne réagisse. Alors qu’il esquissait un geste vers la porte il se retrouva plaqué contre le mur, maintenu tel un insecte dans sa toile, à plusieurs mètres du sol. «
J’ai été viré du Pensionnat. » Articula-t-il alors que la pression augmentait dans son crâne. Elle flamboyait de rage, nue devant lui, ses cheveux bruns fouettant son corps de liane. Elle n’avait jamais été aussi belle qu’en cet instant. La quitter était surement la chose la plus douloureuse qu’il avait eu à faire jusque-là dans sa malheureuse existence.
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Tu me laisse ici … » Elle était furieuse. Il avait couché avec elle, il avait profité d’elle avant de l’abandonner, comme tous les autres. La pression dans son esprit augmenta, et s’il lutta pas à pas pour arriver à mobiliser un gramme de son énergie, il savait que c’était peine perdue. Il pourrait mourir ici si elle en décidait ainsi. Et soudainement la pression diminua et il s’effondra sur le sol, haletant. «
Sors d’ici. » Souffla-t-elle en se drapant dans la descente de lit. «
Pars. » Il ne voulait pas la laisser, mais il le devait, il était resté trop longtemps au même endroit, la mort de son père, l’arrêt du versement de ses frais de scolarité… Il ne pouvait pas rester. Ou plutôt il ne le voulait pas, il ne voulait pas se lier à qui que se soit. Il ne voulait pas tomber amoureux, devenir faible et mièvre comme son père et souffrir ensuite d’un abandon. Il n’avait eu besoin de personne pour grandir, survivre et devenir l’homme qu’il était. Il allait recommencer à zéro, ailleurs. Sans elle. Il n’avait pas besoin d’elle. Alors pourquoi était-ce un tel déchirement de lui voir lui tourner le dos ?
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Hey Desmond tu pourrais magner ton joli petit cul de blanc, on va finir par se faire repérer par les mamans blanches du quartier." Desmond interrompit son exploration du système électronique de la maison pour lever un majeur narquois au nez de son "associé" le temps de ce cambriolage. Il détestait travailler en équipe, c'était d'ailleurs une des raisons qui faisait qu'il était aussi sollicité, avec un seul homme il y avait moins de risque de voir les langues se délier. Il n'avait pas eut le choix, et opérer dans ses conditions pour lui était très délicat, d'ordinaire il se serait contenter d'utiliser ses dons pour griller quelques fusibles, là il devait y aller à l'ancienne, travailler au corps le dispositif de sécurité, ce qui n'était pas aisé lorsque l'on vous pressait de toute part.
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Tu vas rentrer dans cet appartement, c'est juste une question de secondes alors si tu pouvais fermer ta gueule, j'irais plus vite." Répliqua t-il alors que le voyant de la porte d'entrée passait au vert. Aucun système de sécurité ne résistait à Desmond, il était relativement doué en informatique et sa passion dévorante pour tout ce qui manipulait le courant électrique l'avait conduit au métier de gentleman cambrioleur. Il camouflait cette activité qui n'était plus qu'un "hobby" pour sortir du carcan de la bonne société, sous son entreprise de système de sécurité. Une couverture qui lui avait permit de faire fortune, et de perfectionner ses talents. Étrangement personne ne comprenait les logarithmes et les 1.0 mieux que lui. Il était un "grand" de New York, un invité prisé des mondanités de la grosse pomme, un convive enjouée et charmeur, un des partis les plus couru de la ville. Desmond Connors était devenu une sommité depuis que son nouveau système de sécurité était apparu sur le marché. Personne ne pouvait se douter de son passé, de ses activités nocturnes. Personne ne savait qu'il était en réalité un petit garçon qui s'appelait autrefois Félix. Personne. Son passé était mort, enfin c'était ce qu'il croyait.