Un nouvel ami [Jean]

Sujet: Un nouvel ami [Jean] Dim 23 Sep - 17:08

L'événement était suffisamment rare pour être noté. Yoel jubilait, trépignait, presque, d'excitation. A l'habitude sombre et peu expressif, son visage était éclairé d'une joie qui, au final, paraissait presque malsaine. Couizole sur les talons, il portait dans ses bras un morbide chargement. Près d'un kilo de vautour aura. L'oiseau, curieux, baladait son crâne rouge pelé, au bout de son long cou déplumé, sans être capable de décoller, ou même de marcher. Une grande partie de ses ailes avaient été dévorées par la vermine, alors qu'une de ses serres étaient manquante. Malgré ça, le corps était en relativement bon état. Un miracle, pour un cadavre trouvé en pleine forêt. Il était rare que ceux des oiseaux, si fragiles, soient exploitables. En fait, c'était la première fois que l'adolescent trouvait un aussi beau spécimen.

L'air de rien, il franchit le seuil du manoir, avant de se diriger vers son atelier, au rez-de-chaussé. Calant le vautour contre un mur, il parvint à se libérer une main pour ouvrir le verrou. Il poussa la porte en bois brun, sur laquelle un petit panneau doré indiquait la courte mention "Pardès". Une odeur de mort nauséabonde se répandit dans le couloir, heureusement vide. Pour qui n'y était pas habituée, elle seule était déjà presque insupportable, pouvant même provoquer des malaises chez les personnes sensibles. Yoel n'y prêta pas attention, tout juste la remarqua-t-il. Elle n'était pas pour lui plus anormale que la senteur du pain dans une boulangerie. Son laboratoire était une morgue, il n'y avait pas de raison qu'il respire le propre. En vérité, il trouvait même, d'une certaine façon, la puanteur rassurante. Elle lui donnait l'impression d'être chez-lui.

-Nous y voilà, ami.

Il pénétra dans la pièce sombre, de la taille d'une chambre, dont la seule fenêtre était obscurcie par un rideau noir. Ce qui pouvait choquer, dans un deuxième temps, c'était la température. Un système réfrigérant assurait que la température ne monte jamais à plus de 2°C, ce qui ralentissait considérablement la pourriture. A droite, étaient allongés sur un bureau blanc, une demi-dizaine de petits animaux morts : un renard, un chat, deux rats. Bien qu'à divers niveau de conservation, ils n'étaient visiblement plus en train de se décomposer, comme en témoignait la relative propreté de la table, et dégageaient une drôle d'odeur d'alcool. Sur un petit chariot, divers outils de chirurgie, qui, eux, n'étaient visiblement pas nettoyés régulièrement. Il y avait une myriade de ciseaux, de scalpels, de scies à main, de divers aiguilles et seringues... L'autre côté de la salle ressemblait à un dépôt de ferrailleur, sur des étagères étaient rangées des barres d'acier, des clous, des vis, de toute taille. Non loin de la fenêtre, une sorte de grand aquarium remplie d'un liquide translucide. Y nageait paisiblement quelques poissons colorés, qui, étrangement, paraissaient à peu près normaux.

Exalté, Yoel posa précautionneusement le vautour sur le plan de travail central. Il se dirigea directement vers le chariot à ustensiles, en oubliant de refermer derrière-lui le verrou. Il saisit un petit bidon sans étiquette, le fixa un temps, et s'expliqua :

-Du glutaraldéhyde, un nouveau produit. Moins toxique. Voudrais le tester.

L'adolescent versa alors sans prévenir le contenu du récipient dans l'aquarium. Un odeur encore plus prenante, entre l'alcool et le formol, envahie la pièce. Les poissons n'en parurent pas dérangés.

-Au bain, ami, fit-il en soulevant l'oiseau, et en le lâchant dans le bassin.

Sujet: Re: Un nouvel ami [Jean] Sam 29 Sep - 11:59

Jean faisait une sieste après être revenue des cours de la matinée. Pourtant son sommeil était agité, elle ne cessait d'avoir des flash, d'entendre les pensées, de voir des choses qu'elle n'était pas censée voir. Son souffle s'emballa et la chambre se mit à trembler avec une certaine violence. Les objets se soulevèrent autour de la télépathe et télékinésiste et se mirent à tournoyer, fortement agités. La mutante se secoua de gauche à droite, murmurant des faibles non pour se débattre avec ses démons. Non, non ! Elle hurla, se redressant et les objets s'effondrèrent. Couverte d'une sueur fraîche, Jean tremblait de tous ses membres. Déglutissant lentement, elle tentait de reprendre contenance. C'était bien difficile et plus le temps passait et plus sa tête était lourde. Jean passa une main sur son visage, continuant de trembler comme une feuille. Là, ce n'était rien. Rien ?! Son cauchemar avait été affreux oui ! Ravalant un sanglot, la jeune femme descendit de son lit et enfila un marcel gris. Par-dessus elle mit une petite chemise rouge à carreaux bleus et un jean's pour compléter le tout.

Elle tremblait encore, mais elle tentait de se convaincre que tout irait mieux. Passant une main dans ses longs cheveux de feu, elle sortit de son lieu de repos. Repos entre guillemet vu les cauchemars qu'elle y faisait. Jean s'était entourée de ses bras pour s'apaiser, descendant en rez-de-chaussée, elle se figea en voyant une porte entre-ouverte. Qu'est-ce que c'était encore ? Elle fronça les sourcils et s'approcha lentement de la porte. C'était la première fois qu'elle la voyait ouverte. Ses pouvoirs qui étaient à vifs en profitèrent pour s'en mêler et la porte s'ouvrit franchement. Sa télépathie se glissa dans un esprit, il y avait quelqu'un dans cette pièce. Se forçant à ne pas lire les pensées, par bonté d'âme, Jean se glissa dans la pièce. La curiosité l'emportait sur le reste. Elle fut choquée par l'odeur nauséabonde qui lui sauta à la gorge, la mutante se figea.

C'était l'odeur de la mort. Elle entendit une voix, une voix de quelqu'un de très jeune. Plus Jean s'enfonçait dans le sanctuaire de mort, et plus elle craignait d'y trouver un cadavre. La puanteur augmentait et à chacun de ses pas les objets autour d'elle s'agitèrent. Preuve qu'elle ne contrôlait pas sa télékinésie, que la rousse était complètement fébrile et en conséquence faible. Jean n'en crut pas ses yeux. Elle voyait un vautour tremper dans un liquide qui sentait l'alcool et le formol. Il baignait avec des poissons, elle eut le malheur de regarder autour d'elle et distingua d'autres formes dans un coin.

« Mon Dieu... »

Murmura-t-elle. S'en moquant d'être ainsi démasquée. C'était quoi au juste ? Une morgue ?! Elle le vit alors, un garçon jeune, réellement jeune. Jean ne savait pas comment réagir face à un tel mutant, car il était mutant, aucun doute là-dessus. Mais que faisait-il avec autant de cadavre autour de lui ?

« Ils sont à toi ? »

Souffla-t-elle. Elle n'osait pas élever la voix. Pourtant son corps était tendu et ses instincts prêts à prendre le dessus pour la protéger. Après tout ses pouvoirs la contrôlaient encore et feraient tout pour protéger l'enveloppe charnelle, comme autrefois. La mutante aurait voulu que ce soit un affreux cauchemar, moins affreux que ses vrais cauchemars. Elle refusait d'accepter ce qu'elle voyait et comme à chaque fois qu'elle était choquée par quelque chose, Jean avait le risque de perdre le contrôle de ses pouvoirs...