Le froid, la faim, les arbres, le vert, la ferme, la famille, un soudain bruit sourd. Adelaide s'éveilla en sursaut, fixant de son regard embrouillé le réveil-matin, étrange invention pour remplacer le coq. Il était encore tôt. Même si elle n'avait aucune obligation de se lever, la mutante était toujours debout avec l'arrivée du soleil. Elle avait sans cesse de nouveaux projets qui lui prenaient des jours, des mois, des années même. Le temps n'était pas un problème pour elle. Ni l'argent. Au fil du temps, elle avait pu amasser suffisamment de richesse et de connaissance pour vivre bien longtemps sans avoir à faire ce que les gens de cet époque faisait si intensément : travailler. Elle préférait profiter de ses journées encore et toujours. Ouvrant les fenêtres du petit appartement qu'elle louait, Adelaide contempla New York qui s'étendait à ses pieds. Elle trouvait réellement grisant la sensation d'être si loin du sol, de la terre. Elle n'aurait jamais cru, il n'y a pas si longtemps, qu'une maison aussi haute existerait. Elle ne cessait d'être surprise par les avancées technologiques qui ne faisait qu’accroître depuis quelques centaines d'années. Prendre le temps de s'arrêter, d'admirer ce qu'il l'entourait, elle le faisait souvent. C'était les petits bonheurs de sa vie. Mais en cet instant, elle était particulièrement hâtive. Elle se doucha, se prépara, s'habilla de vêtements à la fois moderne et d'époque, chose qui la rendait réellement voyante dans la rue, mais elle n'en avait rien à faire. Là, tout de suite, elle devait se rendre au musée. Le musée était sans nul doute son endroit préféré. Elle aimait y voir des choses de son passé, se remémorer des souvenirs ou bien rire de l'inexactitude de ce que croyait les humains d'aujourd'hui. C'était réellement divertissant et aujourd'hui, il y avait une nouvelle exposition. Il ne fallait pas raté cela!

Adelaide se déplaçait toujours à pied. Elle ne parvenait pas du tout à faire confiance à ces machines métalliques et bien trop rapide. Pour elle, le seul moyen de transport rapide sur lequel on pouvait compter était les chevaux. De ce fait, il lui fallut quelques heures pour se rendre au musée, mais elle connaissait le chemin par cœur. Elle passait devant des boutiques achalandées de monde, des bureaux de travail où l'on pouvait sentir la chaleur émané des cerveaux des employés surmenés et des petits cafés où de jeunes couples passaient du temps ensemble. À chaque fois qu'elle ne voyait ces preuves d'amour adorable, la mutante pensait à son cinquième mari. Ou était-ce son sixième? Peu importe. Elle aimait se souvenir des amours qu'elle avait vécu, qu'elle ne se permettait plus maintenant, car il était trop douloureux de s'attacher aux gens pour les voir mourir l'un après l'autre. Elle passa devant un hôpital qui lui rappela sa formation d'infirmière qu'elle avait eut rapidement pendant la Première Guerre mondiale, qui lui avait été utile pendant la deuxième et qu'elle aurait bien aimé avoir pendant la peste noire. Elle passa devant une garderie, noircissant légèrement son moral, sachant qu'elle ne pourrait jamais s'arrêter à un endroit pareil. Mais elle continuait son chemin, se remémorant un nombre faramineux de souvenirs. Lorsque l'on avait autant vécu qu'elle, les souvenirs prenaient pratiquement autant de place que la pensée. Elle avait vu pratiquement tous les pays du monde, connaissait une dizaine de langues anciennes et récentes, elle s'était adapté aux nouvelles technologies. Elle avait assisté à la naissance de tellement d'époque qu'elle aurait pu même en oublier d'où elle venait. Mais ce n'était pas le cas. Chaque année, elle se rendait au moins deux fois en Écosse, elle observait de loin les descendant de sa famille, de sa chère sœur, vivre leur petite vie tranquille. Elle n'osait l'avouer, mais elle veillait sur eux.

La nouvelle exposition au musée était très intéressante. Il s'agissait d'une exposition d'un artiste moderne qu'elle ne connaissait pas. Adelaide n'avait donc pas pu rire, mais l'art n'en était pas moins captivant. Elle fit également un petit tour dans les autres salles d'exposition qu'elle commençait à connaître par cœur, mais elle n'y resta que très peu de temps. Son estomac grondait tellement que cela dérangeait les autres admirateurs d'art. La mutante savait bien qu'elle ne pouvait mourir de faim, mais elle ressentait tout de même la désagréable sensation d'avoir son ventre vide. Elle alla manger dans un petit restaurant non loin du musée où elle paya avec sa carte de crédit qu'elle était parvenue à avoir grâce à l'un de ses contacts qui faisait dans les fausses cartes d'identité. Adelaide était habituée à ce genre de commerce. Depuis longtemps maintenant, elle devait se forger une nouvelle identité, se donner un nouvel âge, un nouveau nom. Son nom d'aujourd'hui, elle ne savait trop pourquoi, était une version moderne de son véritable nom, à sa naissance. En un élan de nostalgie, sans doute, elle avait désirer reprendre se nom. Une fois rassasiée, la rouquine reprit ses recherches au même endroit qu'elle les avait laissés la veille. Elle savait, maintenant, qu'il existait d'autres mutants dans le monde. Elle en avait été ravie de l'apprendre, il y avait quelques années de cela. Depuis, elle s'efforce de trouver un autre mutant qui aurait les mêmes capacités qu'elle. À ne jamais s'attacher pour ne pas voir les gens que l'on aime mourir, on finit pas se sentir bien seul. Adelaide voulait la compagnie d'un autre immortel, tout comme elle.