Le réveil retentit une fois...puis une deuxième fois...puis une troisième fois et BOUM... Le silence. Pourquoi ce silence ? Car le réveil était allé dire bonjour au mur. En effet, Mathew venait de le balancer contre ce dernier pour le faire taire dans un grognement. Il mit sa tête dans son oreiller, mais ne put se rendormir. Finalement, après un soupir, il se releva et alla prendre sa douche. Il laissa l'eau couler sur son corps avant de se décider à se laver. Après avoir fait tout ce dont il avait besoin, il sortit et alla s'habiller après avoir séché son corps. Il alla vers son armoire et prit ses affaires de sport, c'est -à-dire un jogging et un t-shirt. Il prit aussi un boxer et des chaussettes. Il les enfila et alla dans son salon pour enfiler ses baskets. Il coiffa ses cheveux avec sa main vite fait avant d'enfiler une veste de jogging qui traînait. Il prit ses clés et ferma la porte derrière lui, s'assurant qu'il ait fermé à clé.

Devant la porte de l'entrée, Mathew fit quelques étirements avant de commencer à courir. Il courait, quand même assez lentement, inspirant et expirant par petite foulé tandis qu'il se dirigeait vers l'endroit où il courrait le plus : central parc. Il était à New York pour quelques mois ayant des affaires à régler. Il continuait de courir en repensant aux raisons qui l'avaient fait venir ici. Déjà il y avait son ami : Samir, depuis sa mort, il devait rattraper des années d'absence. Ensuite, il y avait sa femme. Il devait l'aider et même s'il ne savait comment pour le moment, il allait trouver, mais surtout, il était là pour l'inspiration. En effet, il voulait écrire un nouveau livre, mais ne savait pas quoi exactement et il espérait que le quotidien de New York et les gens qui peuplaient cette ville l'aiderait.

Enfin arrivé au parc, il s'arrêta quelques minutes afin de boire, car de chez lui au parc, ça faisait quand même une petite trotte. Cela lui rappelait l'armée, lorsqu'il courrait avec les autres soldats. Les délires qu'il avait pu avoir avec les autres membres, les fous rires, les bavardages et tout ce qui faisait qu'il s'amusait. Certes, il y avait aussi eu des coups durs comme Samir où la perte de Daniel au combat, mais il devait avancer, pour lui, pour Samir et pour sa propre personne. Il ne devait pas sombrer dans l'alcool ou dans les drogues comme beaucoup l'avait fait. Il allait voir un psychologue pour l'aider, mais celui-ci ne l'aidait pas beaucoup, il l'aidait seulement à se débarrasser de son argent. Soupirant, Mathew reprit sa course qui se passait bien. Il avait toujours la forme et cela le rassurait : il n'avait pas perdu la main.

Cependant, sa course s'arrêta lorsqu'il vit quelqu'un. Quelqu'un qu'il ne pensait jamais revoir. Il savait que cette personne était vivante, mais il ne l'avait plus vu depuis qu'il avait quitté l'armée. Il ne put s'empêcher de fixer cette personne. Il était à la fois ému, joyeux et triste. Combien d'années ? Combien d'années étaient passées sans qu'il ne voit cette personne ? Il ne savait pas, mais il était vraiment heureux. Prenant son inspiration, il se dirigea vers cette personne et posa sa main sur l'épaule de cette dernière avant de parler :

« Joss ? Joss Daugherty ? C'est vous ? »

Le soleil se levait à peine sur New-York lorsque Joss se réveilla avec un sentiment de satisfaction. La veille, lui et son équipe avaient enfin capturé un couple de mutants qu'ils traquaient depuis plusieurs semaines. Ils avaient fêté leur succès autour d'un bon dîner, relâchant la pression de leur mission. Bien sûr elle n'était pas encore terminée : il fallait encore soutirer des informations aux deux mutants. Néanmoins le plus gros était fait.

Joss se leva et sourit, se remémorant la capture du couple. Il avait toujours préféré l'excitation de la chasse à la manipulation des prisonniers. Il adorait sentir l'adrénaline courir dans ses veines, lui donner la sensation d'être invulnérable, de pouvoir réussir tout ce qu'il entreprendrait. Il appréciait tout particulièrement lorsqu'ils avaient attrapé leur proie et qu'il voyait la porte de la cellule se refermer sur elle. Les mutants étaient dangereux, incontrôlables. Joss avait été mis au courant de l'existence de différents groupuscules lors de son arrivée à la CIA, comme la Confrérie. Ces monstres étaient une menace pour l'Humanité, et lorsqu'il parvenait à en mettre un hors d'état nuire, Joss pensait toujours à ses enfants. Il faisait cela pour eux, pour leur assurer un avenir sauf.

Son cœur se serra à la pensée de ses enfants. Cela faisait plusieurs mois qu'il ne les avait pas vus, et ils lui manquaient terriblement. Il se secoua mentalement tandis qu'il entrait dans sa salle-de-bains. Ses enfants étaient des adultes à présent, c'était normal qu'ils ne soient pas aussi disponibles pour venir le voir. Joss ferma les yeux, laissant les larmes se mêler à l'eau de la douche. Il n'avait pas vu ses enfants grandir, et il avait peur que ce soit trop tard pour se rapprocher d'eux. Il les sentait s'éloigner de lui comme de l'eau entre ses doigts, impossible à garder. Il ne voulait pas devenir un étranger pour eux et pourtant, lui dit une petite voix dans sa tête, il l'était déjà.

Joss soupira et arrêta l'eau. Il se sécha rapidement et enfila un short kaki délavé qui lui arrivait aux genoux et un t-shirt blanc assez usé pour commencer à s'effilocher aux coutures. Prenant ses clés et son portefeuille, il sortit de son appartement et ferma la porte à clé. Une fois dans la rue, il se dirigea à petites foulées vers Central Park pour s'échauffer.

Courir tous les matins était une habitude qu'il avait prise quand il avait arrêté de boire. A vrai dire, c'était une des nombreuses règles qu'il s'était imposée afin de retrouver un mode de vie plus sain.

Il croisa quelques voisins et joggeurs qu'il connaissait et les salua d'un signe de tête.

Lorsqu'il fut arrivé à Central Park, il allongea ses foulées et augmenta progressivement sa vitesse jusqu'à trouver son rythme habituel. Ça ne valait pas son entraînement de l'armée, mais c'était suffisant pour se maintenir en forme pour la CIA. Il courut ainsi presque une heure, appréciant l'état second dans lequel la course le mettait. L'esprit vide, il se sentait libéré de tout soucis, aussi insouciant qu'un enfant. Il ne pensait plus au travail, à sa famille, seulement à son souffre et à ses pieds. Droite, inspirer, gauche, expirer, expirer, droite, inspirer, gauche, expirer, expirer.

Enfin il ralentit et marcha jusqu'à une entrée de Central Park. Il n'y avait pas encore beaucoup de monde, juste quelques joggeurs comme lui. Il commença ses étirements, songeant qu'il aurait peut-être le temps de faire quelques courses avant de se rendre au travail. Un brin de ménage ne serait pas du luxe, mais ça pourrait encore attendre. Ce n'était pas comme s'il avait l'habitude de recevoir du monde chez lui...

Alors qu'il avait presque fini, il entendit quelqu'un l'appeler. Joss se retourna tout en essuyant la sueur de son visage avec son T-shirt et plissa des yeux, le visage fermé. La personne qui venait de l'interpeller était un jeune homme qui lui semblait familier, mais il était incapable de se rappeler son nom ou d'où il le connaissait. Après quelques instants le déclic se fit et Joss haussa des sourcils de surprise et un sourire apparut sur ses lèvres.

"Mathew ? Qu'est-ce que tu fais ici ? Je croyais que tu vivais en Floride ?"
Joss s'avança vers le jeune homme, surpris mais heureux de le revoir.

Alors, c'était bien lui, il ne s'était pas trompé. C'était bien l'homme qui l'avait aidé lorsqu'il était à l'armée : Joss Daugherty. Mathew sourit en le regardant de haut en bas pour voir son état. Il avait vieilli, mais tout le monde vieillissait donc bon. Cependant, il ne l'avait pas remarqué au début. Vous allez me dire, avec le temps qui passe c'est normal et cela ne surprit par Mathew qui se massa légèrement la nuque avec un sourire gêné tout en continuant de le regarder. Il ramena sa main contre son corps ensuite et mis les deux dans ses poches avant de regarder le sol. Il releva la tête à ses questions et sourit un peu plus. Il déclara que l'histoire serait longue avant de lui proposer de reprendre leur course pendant ce temps-là. Il se rapprocha un peu avant de s'arrêter et de sortir les mains de ses poches.

« Oui c'est bien moi, ça fait longtemps hein ?»

Il continua de regarder Joss et se rappela du bon vieux temps. Des jours des entraînements, du fait que Joss l'avait pris sous son aile, les multiples discussions qu'ils avaient eus. Il se rappela de toute les fois où il l'avait aidé lorsqu'il avait besoin de parler. Cela lui rappela aussi un évènement triste : la mort de Samir. C'était peu de temps après avoir quitté le camp d'entrainement pour rejoindre en urgence la guerre d'Algérie, vu le manque d'homme. Depuis, il avait perdu de vue Daniel, il avait perdu Samir et il avait aussi perdu la trace de Joss, de son mentor. Il était si heureux à ce moment-là de le retrouver. Son coeur battait rapidement sous sa poitrine sous la joie. Des sentiments ? Oui, mais un simple respect, il n'y avait rien d'autre.

« Je viens courir, même si je ne suis plus à l'armée, je préfère entretenir mon corps, je ne voudrais pas perdre la forme ! »

Il rigola un peu. C'était comme s'il ne l'avait jamais quitté ! Il se parlait normalement, comme si rien ne c'était passé, comme s'il n'y avait eu aucune séparation. Il avait l'impression qu'aucunes années ne s'étaient écoulés avant ce jour et il était nostalgique. Cependant, il se reprit vite et préféra ne pas trop penser nostalgie, car ça pouvait être mauvais pour lui. Il ne voulait pas trop se souvenir des moments douloureux, mais s'il n'y avait eu aucun de ces moments avec Joss, mais qui disait Joss, disait armée et disait aussi Daniel et Samir. De ce fait, il ne voulait pas trop se remémorer le passé. Il en profita pour répondre à la troisième question.

« J'y vis, mais je suis revenus pour me changer les idées. Je ne trouve plus l'inspiration à Miami, alors je suis venu quelques temps à New York pour cela. Puis j'ai des affaires à faire ici, donc me voilà. Et vous, que devenez-vous ? »

Il avait repris son habituel vouvoiement. C'était une habitude chez lui et il n'arrivait pas à la sortir de ses esprits, mais bon, d'un autre côté, Joss avait été son mentor donc il ne pouvait pas le tutoyer comme ça.

Il arrivait encore à Joss de se croire encore à l'armée. Parfois la nuit, il se réveillait en sursaut, cherchait son arme posée sur sa table de chevet et attendait des instructions qui ne viendraient jamais. Il lui fallait plusieurs minutes pour que son cœur se calme, que l'adrénaline passe et qu'il arrive à se détendre, se rallonger en se forçant à penser que non, ce n'était pas une bombe, juste une voiture qui avait démarré trop brutalement dans la rue ou un avion qui avait volé un peu trop bas. Mais en observant Mathew et en sentant le regard de celui-ci le détailler, il réalisait à quel point le temps avait passé. La guerre n'était toujours pas fini, mais ses jours dans l'armée étaient bel et bien passés depuis longtemps.

Joss n'eut qu'un sourire à répondre à Mathew. Oui, ça faisait longtemps. Joss avait perdu contact avec ses frères d'armes au fil des années - quand ils n'étaient pas morts sur le front - et il le regrettait souvent.

Il passa une main dans ses cheveux en sueurs tandis que Mathew continuait de parler. Il fit un pas vers lui et glissa ses mains dans les poches de son short, prenant une pause détendue. Le soleil était levé depuis quelques temps maintenant et ses rayons commençaient à réchauffer l'air.

"Boulot, métro, dodo, répondit Joss avec un haussement d'épaules."

Ce n'était pas tout à fait la vérité, son travail à l'agence était passionnant et Joss l'adorait. Mais il ne mentait pas non plus vraiment à Mathew en lui disant cela. Lorsqu'il rentrait le soir dans un appartement vide, sa vie lui paraissait alors bien triste et monotone.

Repensant alors aux mots de Mathew, Joss fronça les sourcils.

"Tu as dis que tu cherchais l'inspiration ? Qu'est-ce que tu fais, tu peins ?"

Il sourit. Il sourit de son habituel sourire, celui qu’il connaissait que trop bien et cela le rassura. Le Joss qu’il avait connu était toujours le même malgré les cheveux blancs qui étaient apparus aux fils des années. Cependant, lui aussi commençait à en avoir, malgré le fait qu’il les cachait derrière des couleurs, mais chut c’est un secret ! Enfin bref, il reprit ses esprits lorsqu’il bougea, mettant sa main dans ses cheveux. Il regarda les alentours et alla s’asseoir sur le dessus d’un banc, regardant Joss tandis qu’il s’installait confortablement sur le banc. Il l’écouta parler et sa phrase le fit quelque peu rire. Combien de fois il avait entendu cette phrase de « métro, boulot, dodo » et cela le faisait toujours sourire.

Son sourire devint une grimace devant sa question. Peindre ? Il avait toujours été nul à cela et il s’en rappelait. Déjà lorsqu’il était en cours on lui disait qu’il ne serait jamais un grand peintre et il le savait pertinemment. Il n’avait, d’ailleurs, jamais aimé la peinture. C’était trop abstrait ou trop figuratif etc etc. Bref, ça le barbait ! Enfin bon, il retrouva cependant son sourire et répondit à la question de Joss :

« Non, je suis écrivain. J’écris des livres et ne rigolez pas ! »

Il sourit doucement et se prépara à sauter du banc, mais sa main glissa et il s’écorcha le bras. Il écarquilla les yeux et ramena son bras contre son corps, mais déjà le sang coulait. Il approcha son autre main pour tenir la plaie, mais il se passa quelque chose de bizarre. En effet, le sang semblait se rassembler près de la main avant de former un fin filer allant jusqu’à celle-ci. Il plaqua sa main sur la plaie et jura encore une fois avant de regarder vers Joss, mais il sentait qu’autre chose n’allait pas et c’est en regardant le visage de Joss qu’il comprit que plus rien ne serait pareille…

"Joss... Je"

Il fit un pas en avant et s'arrêta. Qu'allait-il dire ? Qu'allait-il faire ? Il n'en savait rien et ses mots restaient coincés dans sa gorge l'empêchant de se justifier sur ce qu'il venait de voir.

Ecrivain ? Vraiment ? Joss ne savait même pas que ça pouvait être considéré comme un vrai métier, à moins d'être de ces auteurs très connus dont il connaissait à peine les noms. Il ne pensa à cacher sa surprise, et dévisagea le jeune homme, les yeux écarquillés. Il avait dû mal à concilier le Mathew qu'il avait connu à l'armée avec l'idée qu'il se faisait d'un écrivain, assis à sa table pendant des heures sans dire un mot.

Finalement il se laissa aller à sourire alors que Mathew lui demandait de ne pas rire. L'attitude du jeune homme l'amusait plus que la révélation de sa présente occupation. Il aurait dû lui demander un titre d'un de ses livres, mais Joss savait que cela ne servirait à rien. Il n'était pas du genre à lire des bouquins, il s'endormait toujours au bout de deux ou trois pages (sa femme avait l'habitude de se moquer de cela).

Le sourire de Joss se figea lorsque Mathew dérapa en voulant sauter du banc et s'ouvrit le bras. Il aurait pu croire que c'était une hallucination mais il était sobre depuis trois ans et avait appris à ne jamais douter de ce qu'il voyait, aussi incroyable cela soit-il. Sa main se porta à son côté par réflexe, prêt à se saisir de son arme. Mais elle était chez lui, sur sa table de chevet. Il ne la prenait jamais pour aller courir. Joss se tendit aussitôt, sachant qu'il était en position de faiblesse. Il ne put se retenir de reculer d'un pas.

Mathew Kingsworth était un mutant.

Spoiler:

Mathew regarda Joss et il recula lorsqu’il porta sa main vers ses côtes. Il le regarda avant de descendre son regard vers sa blessure, le sang coulant d’entre ses doigts et descendons le long de sa main dans un léger filet de sang. La blessure n’était pas grave, mais bon… Il arracha un morceau de son t-shirt et fit un bandage de fortune avec avant de regarder de nouveau Joss avec un regard triste et douloureux. Il s’approcha lentement en levant les mains en l’air pour montrer qu’il n’allait rien lui faire. Il ne voulait pas lui faire de mal et encore moins l’attaquer. Il se rapprocha encore un peu avant de prendre la parole pour tenter de le rassurer :

« Joss, je ne vous veux aucun mal, croyez-moi s’il vous plaît ! Je ne suis pas votre ennemi… »

Il détestait cette journée… Il pensait que ce serait de simples retrouvailles, mais voilà qu’il venait de se blesser et qu’il avait montré ses capacités à Joss alors qu’il ne voulait mettre personne au courant et surtout par lui. Certains de ses amis avaient fui en voyant ce qu’il était et il ne voulait pas que Joss fasse de même. Il ne voulait pas qu’on le regarde avec cette peur dans le regard, qu’on épie chaque fais et gestes avec la crainte qu’il attaque, qu’on évite les contacts physique de peur d’être blesser ou de mourir.

Car même s’il savait qu’il ne blesserait jamais quelqu’un qu’il aime, ce n’était pas forcément ce que pensaient ses amis et peut être même Joss… Que pensait-il ? Avait-il peur ? Etait-il inquiet pour sa survie ? Croyait-il à ses paroles ? Mathew n’aurait pas su le dire à ce moment précis. Il était trop focalisé dans ses propres pensées, à essayer de se contrôler et de ne pas faire encore plus peur à Joss. Sa propre peur l’aveuglait dans ses actes et ses émotions.

Il ferma les yeux lentement et tenta de se calmer, inspirant et expirant lentement avant de rouvrir ses prunelles bleu grise et il regarda de nouveau Joss. Il baissa lentement les mains pour ne pas l’effrayer et les remis dans les poches de son short tandis qu’il souriait faiblement. Au fond, il avait confiance en Joss et il comptait sur ça pour rester en bonne relation avec lui. Il ne voulait pas que cette histoire se termine. Pas comme ça en tout cas…

Mathew était un mutant. Comment cela était-ce possible ? Comment Joss n'avait-il pu le voir plus tôt ? Il avait confiance à cet homme, il l'avait pris sous son aile, l'avait aimé comme son propre fils. Mais il n'était qu'un monstre. Un monstre comme ceux pour lesquels il était chargé de capturer, de mettre à l'écart de la population.

Joss ne voyait plus vraiment Mathew, ne l'entendait même pas. Il repensait à ce qu'il avait vu à la guerre, à ces phénomènes inexplicables dont aucun soldat ne voulait parler. Personne n'avait voulu être le premier à en parler, le premier à passer pour un fou, mais ils avaient tous été témoins de choses extraordinaires. Il revoyait son frère se faire tuer sous ses yeux, il revoyait ce monstre s'échapper dans la nuit et Joss incapable de le suivre, tenant son frère agonisant entre ses bras. Il pouvait encore sentir le sang couler entre ses doigts alors qu'il appuyait vainement sur les plaies pour ralentir le flot. Il entendait les râles de son frère alors qu'il mourrait, et son corps qui se détendait entre les bras de Joss comme une marionnette à qui on aurait coupé les fils. Il repensait à tous ces mutants qu'ils avaient capturés à la CIA, à ses coéquipiers morts sous les attaques de ces monstres.

Mathew ne pouvait pas être l'un d'entre eux, non.

Clignant des yeux, Joss sortit de sa torpeur et dévisagea Mathew. Il avait l'impression de ne pas le reconnaître, pourtant c'était toujours le même visage, les mêmes yeux bleus pâles, le même sourire rassurant.

"Comment..."

Sa gorge était nouée et sa voix était à peine plus forte qu'un murmure. Il s'interrompit, se racla la gorge et reprit d'un ton plus fort et plus assuré, il espérait.

"Depuis combien de temps ? demanda-t-il en se rapprochant, ne voulant pas que les joggeurs qui passaient près d'eux les entendent."

Spoiler:

Mathew regardait Joss sans rien dire et surtout sans rien faire. Il ne voulait pas l'effrayer en faisant un mouvement qui pourrait le faire fuir. Dans sa tête tous se bousculait. Les souvenirs qu'il avait eus avec Joss, les moments heureux ensemble et il lui semblait que tout était en train de brûler. Il avait l'impression que tout cela n'était rien de plus qu'un lointain souvenir qui ne se passerait plus désormais. Voilà que la peur revenait et lui serrait la gorge, tel une ombre au-dessus de lui qui l'étranglait dans un ricanement. Il n'aimait vraiment pas ce qu'il était et cela le tuait au fond de lui. C'était pour cela qu'il n'utilisait jamais ses pouvoirs et qu'il faisait la plus grande attention avec les objets coupants.

La question de Joss le surprit un peu, mais il fut rassuré de voir qu'il avait encore la faculté de parler. En effet, il pensait qu'il était resté sous le choc, tel une statue de glace incapable de parler ou d'émettre le moindre son, mais il s'était ressaisit. Il alla s'asseoir sur un banc et sortit les mains de ses poches pour les poser sur ses jambes, jouant légèrement avec. Comme à son habitude, lorsqu'il réfléchit, il se mordit légèrement la lèvre avant de passer une main dans ses cheveux pour les ramener en arrière. Geste vain, car les mèches rebelle revenait toujours devant son front.

Il se souvient très bien du jour où il avait fait la découverte de son pouvoir. C'était un jour où il avait été attaqué et qu'il s'était défendu. Il avait été blessé et sans vraiment contrôler ses pouvoirs, il avait tué ses adversaires grâce à des lames de sang qui s'était formé. Ce jour l'avait marqué et c'est aussi ce qui avait fait qu'il ne voulait plus utiliser ses pouvoirs. Ceux-ci lui faisaient trop peur et il ne voulait blesser personne, surtout pas les personnes qu'il aimait...

Se raclant la gorge, il gratta légèrement cette dernière afin de s'éclaircir la voix et parla d'une voix calme.

« Si par cette question tu demandes si je les avais déjà à l'armée, la réponse est non. Je m'en suis rendu compte il y a 2 ans à peu près, lorsqu'on m'avait attaqué... »

Il regarda ses mains qui s'étaient mise à trembler rien que d'y penser. Il passa sa langue sur ses lèvres pour les humidifier et soupira avant de soupirer.

« Je n'ai jamais demandé à être ce que je suis Joss... Je n'utilise jamais mes pouvoirs. C'est peut-être difficile à croire, mais je ne peux m'y résoudre... C'est.... Je ne saurais comment l'expliquer... Mais cela m'effraie un peu »

Il rigola un peu contre lui-même. Après ce qu'il avait vécu en guerre, il pensait que plus jamais quelque chose lui ferait peur. Rien, à part lui-même désormais et ce pouvoir. Il releva sa tête vers Joss et sourit doucement.

[HS: je suis désolé du retard >< j'ai eu une petite panne d'inspiration et j'ai été occupé. J'espère que ça te plaira ^^]

Joss contempla longtemps Mathew, essayant de concilier le jeune soldat qu'il avait rencontré à l'armée et le mutant qu'il était devenu. Il repensait à tous ces mutants capturés à la CIA, à ceux qui leur avaient échappés. Ils étaient fiers de leurs pouvoirs et n'hésitaient pas à s'en servir. Il y avait une raison pour laquelle Joss avait son boulot. Mais en voyant Mathew aussi mal à l'aise, en l'entendant avouer sa peur de ce qu'il était, Joss sentit sa volonté flancher.

Mathew n'était pas un monstre. Il n'était pas un tueur sans remords. Il ne voulait pas s'en prendre aux humains. Il n'avait rien à voir avec les abominations que Joss traquaient.

Joss sentit ses épaules s'affaisser alors que Mathew relevait la tête vers lui avec un petit sourire. L'agent secoua légèrement de la tête avant de s'avancer vers son ami. Ses pas étaient pesants, comme si une partie de lui essayait encore de le retenir en arrière, de l'écarter le plus possible de Mathew, mais une autre partie, plus grande, le poussait au contraire vers lui. Il avait aimé ce garçon, tenait encore en lui et il avait ce besoin de le protéger. Mathew ne connaissait probablement la situation réelle de la communauté mutante. Savait-il seulement qu'il n'était pas le seul à avoir de pouvoirs ? Dans tous les cas, Joss ne pouvait pas abandonner Mathew. Il imaginait ce qui aurait pu se passer si Mathew avait utilisé son pouvoir devant un autre que lui. Joss connaissait ses collègues, et il ne pouvait supporter l'idée qu'ils s'en prennent à Mathew.

Joss rejoingit Mathew sur le banc, regarda deux joggeuses passer devant eux avant de parler. Il devait dire quelque chose, mais son esprit était si confus, il ne savait pas par où commencer.

" Je te crois, finit-il par murmurer. "

Sa voix était si basse qu'il n'était même pas certain que Mathew ait pu l'entendre.

Il ferma les yeux un instant, serra les dents, puis tourna la tête vers son ami.

" Est-ce que tu en as rencontrés d'autres ? "

Il n'avait pas besoin de spécifier qui étaient ces "autres", Mathew le comprendrait parfaitement.

Matthew avait regardé Joss tout le long. Il n'avait rien dit, il n'avait pas bougé non plus. Il attendait seulement la sentence. Comme s'il était au tribunal en tant que coupable, il attendait qu'on le déclare coupable ou non coupable. Il avait fait sa plaidoirie et il était rassuré. Désormais, peu importait ce qui allait se passer. Il avait dit tout ce qu'il avait sur le coeur et il se sentait mieux désormais. Le poids qu'il avait sur le coeur c'était adouci, envoler par la douce brise qui faisait bouger ses vêtements et ses cheveux. Pour la première fois depuis longtemps, il se sentait à l'aise. Cette pensée le fit d'ailleurs sourire.

Il le regarda marcher vers lui et s'asseoir à ses côtés. Cette façon de marcher... Combien de fois l'avait-il vu marcher comme ça ? Combien de fois ? Il ne s'en souvenait plus, mais cela le fit sourire en se rappellant de tous les moments qu'ils avaient passés ensemble. Tout ce qu'ils avaient vécu ensemble. Il ferma les yeux et se laisse sombrer dans la nostalgie de ses souvenirs, le sourire toujours sur son visage. Il rouvrit les yeux lorsqu'il entendait la première phrase de Joss., tournant son regard vers lui. Ses yeux s'illuminèrent : il le croyait. Il était finalement jugé non coupable... En partie.

Même si sa voix avait été un murmure, il avait pu l'entendre et cela l'avait rempli d'une joie immense... Une joie qui fit qu'il enlaça Joss en le remerciant après sa dernière phrase. Il murmura un :

« Merci »

Avant de se détacher de lui et de sourire. Il se réinstalla sur le banc et regarda le ciel. Il lui semblait plus bleu, les nuages plus blancs. Depuis combien de temps n'avait-il pas été dans ce bonheur, dans ce soulagement. Il ne saurait comment décrire ce qu'il ressentait. Cependant, cela importait peu. Surtout que cela ne dura pas. En effet, Joss posa une autre question. Il ferma les yeux et tenta de réfléchir. La question le gênait, mais pourquoi ? Pour lui, chacun lui semblait être comme lui. Un mutant. Chacun avait une part de pouvoir en lui, mais pas le même que lui. C'était sa philosophie, mais il allait la taire. Ses pensées le faisaient divaguer et il se massa la tempe en répondant.

« Non, pas que je m'en souvienne.... Ou alors je n'ai pas fait attention. »

Dire que Joss fut surpris par l'embrassade de Mathew aurait été un euphémisme. Il ne se souvenait pas de la dernière fois que quelqu'un l'avait ainsi pris dans ses bras autre qu'en forme de salutation. Après quelques instants d'hébétude, il referma ses bras autour de Mathew avec le geste maladroit d'un homme peu habitué à ce genre de démonstration d'affection.

L'agent se dit qu'il avait eu raison d'agir de cette façon, de laisser une chance à Mathew s'expliquer quand il le vit sourire, ses traits et sa posture montrant clairement qu'il était soulagé. Depuis combien de temps avait-il gardé de ce secret en lui ? Depuis combien de temps cette différence avait-elle pesé sur ses épaules ?

Joss regarda devant lui, encore gêné par l'accolade inattendue, et ne remarqua pas le changement d'attitude que provoqua sa question chez Mathew.

" Non, pas que je m'en souvienne... Ou alors je n'ai pas fait attention. "

Joss hocha la tête et pinça des lèvres. C'est ce qu'il avait craint. Si Mathew ignorait l'existence d'autres mutants, il ne devait probablement pas savoir à quel point ils étaient en danger. Joss se figea à cette pensée. Les mutants n'étaient pas en danger, c'était les humains qui étaient menacés ! Les mutants étaient le danger. La plupart d'entre eux en tout cas.

Réfléchissant à une manière d'avertir Mathew sans compromettre sa position au sein de la CIA, il se pencha en avant, coudes posés sur ses cuisses, mains croisées entre ses genoux. Il fixait un point droit devant lui, n'osant pas croiser le regard de Mathew.

" Tu dois faire attention. Des gens veulent s'en prendre aux m... aux personnes comme toi. "

Joss ferma un instant les yeux. Il était incapable d'appeler Mathew un mutant, il ne pouvait pas le mettre dans le même sac que tous ces monstres qu'il avait vus défiler à l'agence.

" Ne te fais pas remarquer, n'utilise pas tes... aptitudes sous aucun prétexte. Si on te repère... "

Il ne termina pas sa phrase, la gorge trop serrée pour laisser passer plus qu'un filet d'air. Il serra les dents, imaginant ce qui se produirait si Mathew se faisait remarquer. Il se voyait avec ses autres équipiers établir un plan pour le capturer. Il savait ce que certains agents faisaient aux mutants une fois qu'ils étaient à l'abri derrière les murs de la CIA. Il ne voulait pas que Mathew devienne l'un de leurs prisonniers.

Spoiler: