C’était étrange, comme si le monde avait pris de nouvelles couleurs, comme si il avait un temps cessé de respirer. Aujourd’hui il n’y avait plus d’ombres et de doutes incertains pour planer dans son esprit. Il avait ouvert les yeux pour de bon, osant enfin ne plus se cacher derrière un rêve. Il avait été un peu pitoyable de s’enfoncer dans ses idées un peu douteuses avant de faire semblant de s’en détourner parce qu’il était trop fier pour abandonner le rêve. Et ça l’avait tourmenté tout du long de ces quelques années. Il s’était longtemps demandé pourquoi il était incapable d’être plus fort ? Suffisamment fort pour réellement couper les ponts avec ce qu’il avait dit avoir vu… Avant de se demander pourquoi il n’était pas plus faible ? Suffisamment faible pour mettre sa fierté de côté et continuer de penser tout haut ce qu’il avait pensé pour lui seul. Non au lieu de ça il était resté cet homme qui n’était ni fort ni faible, changeant un peu avec le temps en essayant de s’obstiner à rester lui-même.

Du moins jusqu’à ce que l’imaginaire vienne une fois de plus se confronter sous ses yeux à la réalité, ne lui permettant plus le moindre doute au final, lui offrant réellement cet étrange espoir qui l’avait si longtemps fasciné. Il avait fini par trouver cette réponse finale à son histoire, chose dont il avait si souvent douté. Les mutants…qui existaient et il le savait. Lui qui n’était qu’un doux rêveur, lui qui s’imaginait faire ouvrir les yeux au reste du monde et leur faire comprendre leurs erreurs. Mais ça ne l’empêchait pas de demeurer prudent, bien au contraire, cette dernière avait redoublé en même temps qu’une multitude de pensées étaient venues se bousculer dans son esprit. Et dans ces moments il savait qu’il était mieux pour lui de se calmer et de ne pas se laisser emporter par son imagination. De faire le moins de vague possible, de continuer de faire semblant jusqu’au grand jour. Et pour ça il n’y avait qu’un seul vrai remède. Profitant de cette journée plus libre, Isaac était sorti, se rendant jusqu’à cette librairie un peu poussiéreuse et encombré où il avait ses habitudes, dans ce quartier où il vivait. Après avoir trainé du côté des ouvrages venus de l’étranger, il avait fini par ressortir, son sac sur l’épaule et au fond duquel se trouvait désormais un recueil sur les légendes des anciens empires.

Pour se retrouver finalement assis au centre d’un banc, au milieu d’un petit parc du coin. Le grand air avait du bon, la lecture aussi. Du moins assez pour calmer ses pensées bouillonnantes et ses inquiétudes. Ce genre de choses qui le tenaient bien souvent éveillé les nuits. Alors il avait lu, installé sur ce banc pendant quelques heures. Marquant une pause, il avait retiré ses lunettes le temps de se frotter les yeux, profitant pour laisser son regard errer sur les rares nuages qui parcouraient le ciel et sur les quelques personnes qui comme lui profitaient du parc. Il avait ensuite fermé les yeux un instant, songeur jusqu’à ce qu’une perturbation, un mouvement proche, une sorte de brise légère ne les lui fasse rouvrir. Son livre toujours en main, il s’était redressé sur le banc de bois, observant, cherchant ce qui avait pu en être la cause parmi les visages. C’est à ce moment qu’il le remarqua, au milieu d’inconnus, ce visage surgissant du passé. Un visage qui lui apparaissait tel un fantôme et dont les quelques détails avait tout de suite attiré son œil parce qu’il ne l’avait jamais effacé de sa mémoire, l’ayant même au contraire plusieurs fois recherché après son accident.

« Hey ! Excusez-moi mais … Attendez ! »

Sa propre voix lui semblait sonner comme un appel de détresse, mais il ne s’attendait pas à recroiser ainsi celui par qui tout ou presque avait commencé. A dire vrai il avait pratiquement renoncé à l’idée de le retrouver un jour, mais ce n’était pas une raison de laisser passer sa chance, se préparant plutôt à lui courir après si il fallait.

Le soleil qui se montrait en ce jour était des plus appréciables, les gens en profitaient pour sortir seul ou en famille du moins pour ceux qui ne travaillaient pas. Léon faisait partit de la seconde catégorie, il avait de temps à autre fait quelques petits boulots quand les temps étaient trop durs. En ce moment ses financent était plutôt bons, les gens étaient généreux avec ces spectacles de rues peut être parce que le beau temps ramenait la bonne humeur ? Déambulant ici et là il se laissait perdre dans l’énorme fourmilière qu’étais New York. Ne sachant pas où aller il voulut se diriger vers le parc le plus proche afin que sa vieille amie puisse se dégourdir les pattes. Attendant agglutiner avec d’autres que le feu passe au vert pour les piétons, un d’entre eux voulus passer de force mais il manqua de peu de se faire renverser par une voiture. Léon vit la scène et se retrouva projeter intérieurement dans son passé. C’est étrange l’esprit humain, il suffit de rien pour faire ressurgir des souvenirs, il se souvint d’un jour comme les autres. C’était une journée ordinaire qui aurait put se terminer simplement mais ça ne s’était pas passé ainsi. Il eut des flashs, une voiture, de la fumée et un visage qui restait graver dans sa tête par regret. Il n’aimait pas repenser à ce genre de chose car il se sentait tellement coupable de sa lâcheté. Il se sentit pousser en arrière le feu était passé au vert mais il ne l’avait pas vue. Les gens avançaient et il en fit de même.

Continuant toujours sa marche, il se mit à s’enfermer peu à peu dans ses pensées, sa vieille amie le remarqua et aboya pour le faire revenir à lui, il la regarda et la rassura dans un sourire. Un peu plus loin il vit un marchand de glace décidant qu’il n’allait pas se laisser abattre en une aussi belle journée il prit deux glace à l’eau et s’installa sous un arbre à l’ombre. Il en ouvrit une et la posa devant son amie qui se mit à la lécher de bon cœur. Il sortit la sienne et la mangea aussi avec joie, la glace était bleue et il était écrit tropical sur le papier. Durant un moment il ne quitta pas l’eau du regard, regardant les canards plonger et flotter tranquillement. Il parla un moment avec son amie cherchant à savoir quel serait leur prochaine destination, ils avaient déjà visité une grande partie du monde et n’avait pas d’idée précise. Les Indes fut la première idée mais finalement la Chine l’emporte haut la main, ils décidèrent de partir une fois qu’ils auraient acheté quelques petites choses à manger.

Une fois que tout les deux eurent finit leur sucrerie ils repartirent à travers le parc, passèrent un peu de temps à flâner tranquillement à travers la foule. Dans les voix de tout ce monde une se distingua un appel. Léon n’avait pas l’habitude qu’on l’appelle et pourtant cette fois là il se retourna il plissa les yeux et chercha la personne du regard, un jeune homme semblait se diriger vers lui. Il ne semblait pas le connaître mais en le regardant, il se figea. Son sang se glaça, ce visage surgissait du passé comme un squelette tout droit sortit de son placard. Deux choix s’offraient à lui fuir ou rester, la première idée était bien entendu la plus tentante mais ses jambes refusaient de bouger. Il murmura tremblant :

-Ce n’est pas possible…

Reprenant ses esprits comme il put il tourna le dos au jeune homme pensant qu’il ne l’avait pas vu, il réajusta sa casquette pour cacher son visage et siffla pour que son amie la suive plus vite. Son cœur battait la chamade et il y avait trop de monde pour qu’il puisse se téléporter et échapper à son passé.

Il n’avait pas remarqué le visage de l’homme immédiatement après avoir levé les yeux. Non. Ce n’était que quand son regard s’était par hasard posé sur lui que tout avait fait tilt dans sa tête. Il l’avait fixé quelques secondes, le présent se superposant au passé dans son esprit. Des images d’abord très nette de ce jour qui avait marqué un tournant décisif dans sa vie étaient venues. Des images d’une route et d’une silhouette qui s’était retrouvé devant lui alors qu’il conduisait. Quelques sons étaient revenues également, ceux du crissement des pneus sur le bitume, du moteur ronflant mais surtout celui du froissement de la tôle et le bris du verre quand il était sorti de route pour éviter cette silhouette. Voilà tout ce dont il se souvenait de manière claire et précise, en dehors de la douleur éprouvée, sur ce jour et sur cet accident qui avait bien failli lui coûter cher. La cicatrice sur son bras gauche en témoignait, mais il savait que si on ne l’avait pas sorti de là tout aurait été pire. D’ailleurs, le reste de ses souvenirs à ce propos étaient quand à eux nettement plus flou, enveloppé du brouillard de la semi-conscience et du choc qu’il avait subi.

Pourtant contrairement à ce qu’on lui avait souvent répété, ces images floues ne s’étaient jamais estompé avec le temps mais sans doute était-ce parce qu’il ne l’avait jamais réellement voulu. Il n’avait pas pu tout simplement, de la même façon qu’il n’avait pu reprendre un volant après. Comment oublier ce visage qui était venu le sortir du tas de ferraille écrasé qu’était devenue sa voiture ? Comment oublier cette étrange façon dont il avait cru le voir disparaitre alors qu’il était déjà un peu choqué ? Pour Isaac c’était impossible et il avait pendant un moment essayer de convaincre tout ceux qui l’avait approché après et qui avait tenté de le convaincre que ce n’était qu’une légère hallucination du à la violence de l’accident. Ce n’était que lorsqu’on avait commencé de s’inquiéter de sa santé mentale qu’il avait finalement décidé de se taire et d’enfouir tout ça. Du moins en apparence, parce qu’en réalité il n’avait jamais totalement renoncé. Il avait eu des doutes bien sûr, des doutes sur la réelle existence de cet homme aux capacités fantastiques. Après tout il n’était qu’un pauvre humain aveugle et perdu.

Sauf qu’il avait fini par découvrir la vérité, la vérité sur l’existence de certains êtres hors du commun. Et il avait arrêté de douter. Il avait alors juste cru ne jamais pouvoir le recroiser. C’est là que sa bonne étoile lui avait sourit une fois de plus, comme elle semblait le faire depuis toujours à chaque fois qu’il désespérait. Et aujourd’hui, l’inconnu était bien là, bien vivant au milieu de la foule du parc. Isaac avait alors cessé de réfléchir, cessé de penser, rangeant livre et lunette dans son sac avant de se lever, de s’approcher et de l’interpeler comme il pouvait. Il avait d’abord cru que son appel avait fonctionné, lui laissant ainsi le temps de le rattraper mais l’homme s’était détourné et avait commencé à repartir avant que le journaliste ne puisse les rejoindre à cause de la foule désormais plus nombreuses. Il avait donc accéléré le pas pour ne pas se laisser distancer avant de l’interpeler une seconde fois.

« Non ne partez pas ! Je voudrais juste vous parlez ! »

Slalomant entre les promeneurs, il avait gagné quelques nouveaux pas sur son mystérieux inconnu, remarquant ainsi l’animal qui le suivait et qui risquait fort de protéger son maitre si Isaac continuait de s’acharner un peu trop. Mais il n’était pas dans sa nature d’abandonner facilement, surtout face à une telle occasion qui peut-être ne se représenterait jamais. Il avait même déjà du attendre plusieurs années pour voir cette rencontre ce produire. Il avait donc ralentit, élevant un peu plus la voix de façon à être sûr que l’homme l’entende.

« Attendez ! Je ne vous veux aucun mal … j’aimerais seulement vous remercier ! »

Et peut-être discuter un peu pour assouvir sa curiosité qui n’avait eu de cesse de le tourmenter, mais pouvoir le remercier de l’avoir sorti de la voiture serait déjà très suffisant. Et puis il ne voulait pas le faire fuir. Il avait déjà eu une partie de la réponse pour expliquer la façon dont l’homme avait disparu et il pouvait concevoir sans problème que c’était une situation délicate. Mais ça avait été trop marquant pour qu’il accepte de le laisser simplement disparaitre une nouvelle fois et tant pis si tout le monde autour avait tourné le regard vers lui de manière un peu étrange.

Léon avait voyagé, depuis des années il avait vadrouillé seul ou accompagner. Il avait parcourus des routes sinueuses, des routes qui menaient au sommet de monts enneigés et d’autres qui ne menaient nulle part, mais il avait appris une chose au cours de ses voyages. Rien n’arrive pas hasard. Le temps était t’il venus pour lui de payer ses crimes ? Des vagues de souvenirs l’envahirent, il se souvint d’un moment de précipitation, un moment où il devait s’échapper en vitesse, il avait usé de son pouvoir pour se retrouver au beau milieu d’une petite route. Il se souvint des phares de la voiture grondante qui fonçait vers lui comme un animal. Il était resté là bloquer pour ne se téléporter qu’au dernier moment quelques centimètres plus loin. Il avait vu la voiture, l’accident en lui-même, voulant l’esquiver l’homme avait dut donner un coup de volant pour se retrouver plus loin, le véhicule avait finit par faire des tonneaux pour s’immobiliser définitivement, tétaniser et dans un piteux état il avait tout de même foncé afin de l’extraire de la voiture. Le jeune homme blessé et à moitié évanouit avait des blessures plus ou moins graves, l’ayant sortit assez loin il regarda qu’il était encore bien en vie. Sa main toucha quelque chose de chaud et liquide quand il regarda sa main elle était recouverte de sang. Ce sang n’était pas le sien, il regarda le bras du jeune homme il était profondément entaillé. Il cligna des yeux pour se remettre dans le monde réel, les gens autour de lui, lui semblaient oppressants. L’homme lui cria simplement qu’il voulait lui parler, les autres personnes présentes commencèrent à le dévisager. De peur qu’il ne lui attire des ennuis il décida de faire demi-tour sans crier gare, il attrapa l’homme par le bras l’emmenant à l’écart. Il le tira réfléchissant à tout vitesse à toutes les possibilités qui s’offrait à lui, lui crier dessus lui disant de le laisser seul, lui parler tout simplement ou bien fuir de nouveau ? Il ne saurait qu’au dernier moment ce qu’il allait faire. Quand il fut assez loin de tout le monde il le lâcha et le dévisagea, c’était bien lui, ce visage qui était resté graver sur ses rétines à jamais sortait tout droit de ses cauchemars enfouis. Il regarda autour de lui anxieux et par reflexe passa sa main sur sa barbe de trois jours avant de demander finalement :

-Qu’est ce que vous me voulez exactement ?

Il regarda sa compagne comme pour tenter de trouver dans son regard un moyen de se calmer mais n’y parvint pas il continua :

-Ecouter je ne sais pas ce que vous me voulez mais vous feriez mieux de m’oublier très vite. Pour votre santé cela vaudrais mieux.

Il le regard de haut en bas toujours emplis de regrets à son encontre ne souhaitant qu’une seule chose le fuir.

Sous ses dehors calmes et gentillets, Isaac cachait au fond de lui un entêtement et une détermination qui le poussait toujours au maximum, quel que soit le domaine. Ce qui sauvait les apparences, c’était son énorme patience qui parvenait ainsi à mieux dissimuler le fait qu’il ne lâchait presque jamais prise une fois qu’il se décidait à poursuivre quelque chose. La vie n’avait rien d’un long fleuve tranquille quand on était comme lui. Sauf qu’elle était aussi éphémère, temporaire et inestimable et c’était bien la seule conscience de ça qui lui faisait refuser de courir certain risque. Et le risque de voir ce visage de nouveau disparaitre sans pouvoir rien faire, ne faisait finalement pas parti de ceux qu’il était prêt à courir. D’où cette réaction peut-être un peu trop vive, un peu trop forte qu’on ne lui connaissait pas, mais il fallait bien avouer que tout ça touchait un sujet bien trop sensible. Et finalement il avait bien eu un peu raison, attirant finalement assez l’attention sur lui pour que l’autre daigne se retourner, ne plus l’ignorer.

Il n’était jamais parvenu à imaginer cette scène, même dans ses pensées les plus folles. Il n’avait rien prévu à l’avance, rien réfléchit si ce n’est le fait qu’il devait le suivre. Et maintenant qu’il se faisait entrainer par la poigne sur son bras, il n’avait toujours aucune idée, aucune certitude sur ce qui allait se passer. Il savait juste que si l’homme lui en donnait l’occasion, il aurait bien des questions à lui poser, ne serait-ce que pour essayer de tourner en parti la page. Si on voulait bien lui laisser cette chance bien sûr. Il avait beau se noyer dans la littérature, avide de s’évader, il savait que la réalité vous rattrapez toujours. Et c’était sans doute encore plus vrai aujourd’hui, là, face à cet homme qui le dévisageait sans doute anxieux ou curieux de savoir pourquoi le journaliste lui courait après.

Ce qu’il voulait ? Ce qu’il lui voulait ? Il voulait comprendre tout simplement. Il voulait arrêter de se tourmenter l’esprit de questions. Il voulait juste connaitre sa version à lui. Parce que quoi qu’on en dise, derrière chaque acte, derrière chaque situation, derrière chaque vie il y avait toujours une histoire. Et il voulait connaitre sa version de l’histoire. Il voulait au moins connaitre ses raisons, même s’il pensait en avoir peut-être une vague idée. Mais si Isaac n’avait jamais pu effacer ses souvenirs, peut-être que son mystérieux sauveur y était parvenu. Peut-être même ne l’avait-il jamais vraiment retenu. Après tout il n’avait fait que le sortir de la voiture avant de reprendre sa route, sans vouloir attirer l’attention. Ou alors craignait-il justement que le journaliste ne braque les projecteurs sur lui, ne vienne lui en faire le reproche après toutes ses années. Et c’est avec une mine un brin fatigué, un brin songeuse qu’il accueilli ces dernières paroles, posant son regard empli de doute dans celui du brun.

« Je crois qu’il est un peu trop tard pour ma santé, quand au reste ce n’est pas faute d’avoir essayé mais j’ai la tête dure il faut croire. »

Il avait poussé un soupir, posant son regard sur le coyote qui l’accompagnait. Oui il avait la tête dure, mais peut-être aussi un cœur très lâche. Au moins il n’en était pas dénué diriez-vous, mais il n’était sans doute pas aussi noble qu’il le devrait.

« Ecoutez, peut-être que je vous parai fou à agir comme ça, peut-être même que je le suis sans doute un peu. Mais c’est aussi un peu le cas de ce monde je crois. »

Il parlait sans doute un peu trop, se noyant dans des détails ou des pensées inutiles, des choses dont l’autre homme n’avait surement rien à faire et c’était l’un de ses plus gros défauts. Mais c’était difficile de chasser le naturel, quand bien même il en agacerait les autres de son flot de parole.

« Je suis désolé si je vous ai fait peur, mais je vous assure que je ne vous veux aucun mal. Vous ne vous en souvenez peut-être pas mais je suis certain que l’on s’est déjà croisé… j’ai seulement cru que vous alliez partir sans me laisser le temps de vous rattrapez, j’en suis désolé. Mais si vous acceptez de m’offrir quelques minutes, je voudrai pouvoir juste vous remercier. Je vous offre un café même…ou tout ce que vous voulez. »

Le passé était derrière eux certes et s’il ne savait pas pour l’autre, Isaac avait seulement choisi d’assumer et regretter ses choix tout en continuant son chemin sur cette voie. Il ne pouvait pas changer ce passé de toute façon, mais il avait le besoin d’en parler ne serait-ce que pour en sortir un peu et faire un pas de plus vers l’avenir, tout simplement, en espérant qu’on lui laisse sa chance.

Dans un moment de peur Léon manqua de crier qu’il pouvait garder son argent mais après un moment il décida de se calmer. Il sentit sa vieille amie se frotter contre lui, il la toucha du bout des doigts et considéra l’homme gravement avant de peser le pour et le contre de ses paroles. Il avait parlé de le remercier. A la fois surpris et incertain il sentit le museau de sa compagne contre sa jambe, il la caressa du bout des doigts et prit une profonde inspiration avant de reconsidérer son offre. Parler n’allais pas le tuer et il se disait qu’en cas de problème il ferait ce qu’il savait le mieux faire. Fuir. En réfléchissant un peu il se disait qu’il ne pouvait pas fuir indéfiniment, il y à toujours dans la vie d’un homme un jour où il doit assumer ses actes. Ce jour était venus pour Léon. Il regarda autour de lui un instant et dit :

-J’accepte de vous parler, mais pas ici ni dans un endroit public, auriez vous un endroit ou nous pourrions parler seul à seul ?

Il pensait qu’il pourrait inventer un quelconque bobard afin de dissuader l’homme, il s’excuserais platement de tout ce qu’il avait put lui faire. Tout scénario était envisageable, peut être voudrait t’il se venger, peut être aimerait t’il réellement parler à moins qu’il ait compris son secret et que se soit un piège. Dans tout les cas il ferait ce qu’il savait le mieux faire, il improviserait une fois de plus. Il dévisagea l’homme droit dans les yeux, honteux et désolé il tentait de cacher comme il pouvait ses émotions. L’homme n’avait pas l’air d’un homme mauvais ou mal attentionné. Sa compagne compris son doute et alla près de l’homme pour renifler sa jambe un instant avant de se frotter brièvement contre comme pour donner le feu vert à Léon. Tentant d’être moins rude envers lui il dit dans un sourire :

-Et si ce n’est pas trop abuser, un café sera bienvenu.

On à beau vouloir se montrer fort et avancer mais souvent on se rend compte que les chaînes de nos actes nous tirent en arrière et peut être que ce jeune homme aussi était dans l’incompréhension. Non, Léon ne commettrait pas d’autres erreurs on pouvait se ronger la vie de ses actes mais personne n’avait le droit de pourrir la vie d’un autre. Voulant payer ses dettes il attendit de voir ce que l’homme proposerait.

Il avait fini par se taire, laissant le temps à l’autre de réfléchir à ses propos ou bien de repartir, ce qu’il n’espérait pas bien évidemment. Le silence s’était étalé, dans l’incertitude, dans une attente un peu inconfortable mais qui lui laissait le temps de faire le tri dans quelques pensées. A savoir ce qu’il allait dire exactement si jamais l’inconnu acceptait par exemple. Parce que depuis le début son geste n’était que précipitation et improvisation pour retenir un peu d’attention, sans prendre le temps de réfléchir aux conséquences ou à tout autre chose. Se présenter serait un bon début déjà, mais ensuite viendrait le moment délicat où il faudrait bien reparler de l’accident. Si Isaac avait été marqué par le côté surnaturelle de cette rencontre pendant très longtemps et par le fait d’y trouver un sens, il n’avait pas oublié non plus le geste qui lui avait sauvé la vie. Néanmoins la question importante aujourd’hui était de savoir comment réussir à poser toutes les questions qui lui torturaient l’esprit, sans raviver de mauvais souvenirs et sans faire fuir cet homme alors que le destin se décidait enfin à le remettre sur sa route bien que d’une manière différente cette fois-ci. De la même manière que réussir à le convaincre qu’il n’avait aucune mauvaise intention.

La réponse à toutes ses incertitudes finit néanmoins par tomber, le brun acceptant sa proposition, le soulageant incroyablement. Car inconsciemment Isaac avait eu du mal à y croire jusqu’au bout, doutant de la même façon qu’il avait douté de lui-même ces dernières années. Un soulagement qui lui fit esquisser un léger sourire, d’autant que l’animal qui accompagnait l’homme s’était approché, le temps de lui faire subir un rapide examen. Une chose qui sembla d’ailleurs rassurer l’inconnu, qui parut se détendre légèrement ou en tout cas se radoucir assez pour accepter complètement sa proposition à la condition qu’ils aillent dans un endroit à l’abri des oreilles indiscrètes. Pas de lieu public donc, un endroit où il ne serait que deux à pouvoir discuter sans craintes, ça limitait les choix. En fait il n’en voyait qu’un d’assez prometteur, à savoir son propre appartement qui n’était pas si loin.

Mais était-ce une idée bien raisonnable ? Après tout malgré leur rencontre passé ils n’étaient que deux étrangers perdus par des circonstances malheureuses et qui ne savaient donc pas sur quel pied danser. D’un autre côté ce pouvait être une marque de confiance venant du journaliste, une invitation pour montrer sa bonne foi. Quoique ça pouvait tout aussi bien être le contraire, mais pour le savoir il fallait déjà le proposer.

« Et bien si ça vous convient mon appartement est à quelques rues d’ici, ce serait plus calme et plus tranquille. Et comme ça je pourrai vous offrir un café. »

Il avait attendu son approbation sans rien dire, observant un peu mieux le géant brun, gravant plus nettement encore ce visage dans sa mémoire. Un visage important, même si il ne savait rien ou presque de l’autre, mais ça c’était encore quelque chose qui pouvait changer. Parce qu’Isaac voulait simplement comprendre et qu’il n’y avait personne de mieux placé pour répondre à ses questions que celui-là même qui l’avait par accident entrainé dans cet univers la toute première fois. Un dernier sourire, et le voilà qui avait finalement pris la sortie du parc, entrainant l’homme et son animal à ses côtés, ouvrant le chemin un brin silencieux, jusqu’à arrivé au vieil immeuble, grimpant les marches. Laissant son invité entrer dans la bibliothèque mal rangée adaptée en fumoir qu’était son appartement, il s’était avancé dans le bazar de livre qui s’étendait par piles en longeant les murs. Il avait rapidement enlevé le saxophone du canapé le rangeant à sa place dans cet estomac déjà trop rempli, avant de se retourner vers son visiteur et son amie.

« Voilà on y est. Installez-vous, je reviens. »

Il avait rapidement dégagé un peu plus de place, poussant du pied quelques affaires qui trainaient, avant de se diriger vers la cuisine, lançant la préparation du café et mettant la cafetière en marche. Revenant dans le petit salon, il avait rapidement remis un peu d’eau à sa petite tortue qui restait comme souvent tranquille dans son coin, avant de refaire face à l’homme et de prendre en quelque sorte son courage à deux mains.

« On pourrait peut-être commencer par des présentations. Je m’appelle Isaac Sullivan… »

C’était un peu étrange, Isaac ayant toujours cette peur que l’homme disparaisse avait tout de même envie d’en venir au fait. Pas de faire la conversation comme si tout était normal. Peut-être qu’une fois le café prêt il pourrait se lancer avec plus de sérieux.

« Et vous ne vous en souvenez peut-être pas, mais je crois que je suis l’homme que vous avez sorti d’un accident de la route il y a quelques années.»

Si son ton était resté neutre, il avait baissé le regard un instant, craignant de faire fuir son invité, même si il y avait surement pire comme début, il y avait aussi surement mieux.

Le ciel était toujours bleu, les oiseaux et gens autour d’eux ne cessaient leur conversation. Pourtant Léon avait l’impression qu’une sorte de bulle s’était former autour d’eux et que le temps était arrêter, ils étaient à la fois dans un mélange de passé qui restait présent pour mieux se tourner vers un nouveau futur. Le jeune homme lui proposa son appartement comme endroit pour se parler, il accepta sans broncher. Cela lui convenait car il n’y aurait pas de témoins au cas où la situation dégénérerait, il le suivit un moment avant d’arriver enfin à l’endroit dit. Il regarda amusé l’appartement, un monticule d’ouvrages et de papiers débordaient de chaque coins de l’appartement. L’hôte visiblement gêné tenta de le camoufler ce qu’il put mais cela n’y changea rien, Léon déposa ses affaires dans un coin et prit place sur le canapé. Il regarda l’homme aller et venir quand il se décidé à se présenter, il en fit de même :

-Léon, juste Léon suffira et ma camarade se nomme Lily.

Oui il la présentait aussi par habitude de la voir comme une parfaite égale, l’homme s’immobilisa et entra dans le vif du sujet lui demandant s’il souvenait de l’accident et de l’avoir sauvé. Léon peut surpris eut un léger sourire avant de lâcher :

-Oui, je me souviens de vous et oui…je suis l’homme qui vous à extirper de la voiture tout comme je suis celui qui à provoquer votre accident.

Il le dévisageait cherchant à savoir quelle serait sa réaction surement de la haine et de la colère dans tout les cas il n’aurait cas s’évaporer une fois de plus comme il savait si bien le faire pourtant il tenta de se faire pardonner comme il le put. Il en avait marre de fuir, il en avait marre de cacher qui il était peut être était t’il enfin temps d’avouer ses pêchés à quelqu’un. Il ne le changerait pas sa nature il était né ainsi et il s’était souvent demander si ce pouvoir était un don ou une sorte de malédiction qu’il devait porter seul. Evidemment il faudrait être fou pour ne pas considérer ça comme un cadeau, après tout quel gamin ne c’était jamais imaginer en super héro ou autre magicien ? Il se leva lentement se dépliant de toute sa hauteur, il se dirigea vers le petit aquarium ou la tortue vivait et la prit dans sa main pour la caresser du bout de son index. Elle ouvrit la bouche pour le lui manger mais elle comprit qu’il n’était à son gout et elle se laissa caresser. Il la regardait pour cacher son regard à Isaac :

-Je veux que vous sachiez que ce qui est arrivé cette nuit là n’était qu’un malheureux hasard et que vous n’étiez visez en rien.

Il se retourna vers lui le dévisageant un léger sourire désolé au visage, ne sachant pas qu’elle serait sa réaction il regarda du coin de l’œil son amie et ses affaires pour voir par quel angle d’attaque il pourrait leur sauter dessus pour s’enfuir au plus vite.

Tout s’était enchainé avec une certaine rapidité, si bien qu’Isaac n’avait pas vraiment eu le temps de réaliser et de réellement réfléchir à ce qu’il était en train de faire, gardant juste à l’esprit que ce n’était pas le moment de laisser passer sa chance. C’était un peu la même chose que de dénicher un nouveau scoop et tout faire pour être le premier à en parler sans se faire piquer la vedette ou sans ce faire doubler, même si là il n’était pas question d’écrire un quelconque article. Juste de faire un peu de lumière sur un passé qui continuait de le hanter malgré ses efforts. Prenant à son tour place en s’asseyant face à l’homme qui disait s’appeler Léon, il continuait de réfléchir au moyen de ne pas le faire fuir alors que son regard se posait sur le coyote qui venait de lui être également présenté. C’était inattendu, mais aussi un peu amusant de voir l’importance que ça avait pour lui. Une chose qui le rassura dans ses inquiétudes, voyant là le signe que le brun était peut-être plus prêt à avoir cette conversation qu’au moment où Isaac l’avait interpelé dans le parc. Alors il s’était finalement lancé.

Et c’était un soulagement certain, une fois les premiers mots sortis, bien qu’un peu maladroitement, que le journaliste ressentait de réussir à enfin exprimer à voix haute ce qu’il avait tu depuis si longtemps. Il ne semblait d’ailleurs pas être le seul à avoir été assez marqué par les évènements, Léon lui apprenant que lui non plus n’avait apparemment pas pu oublier. Et ça lui facilitait un peu les choses de ne pas le voir se braquer comme il aurait pu le craindre après sa réaction au parc. Il l’avait alors regardé se lever et s’avancer au milieu du capharnaüm pour aller voir Wells dans son aquarium, le laissant méditer quelques secondes sur les paroles de l’homme. Des paroles qui venaient anéantir les derniers doutes qu’il avait sur son propre esprit. Qui venait confirmer que non il n’avait jamais rêvé ce jour et que Léon était bien apparu il ne savait trop comment devant sa voiture. Enfin si il avait bien une idée, au vu des derniers évènements. L’observant toujours, il avait alors suivi son regard, le posant à son tour sur Lily qui était resté près du canapé, comprenant avec ses dernières paroles qu’il craignait qu’Isaac ne lui cause probablement des ennuis.

« Ah non ! … Enfin… je n’ai jamais cru qu’il s’agissait d’autre chose que d’un simple accident vous savez. Et je ne vous reproche rien, après tout vous m’avez aidé à sortir et c’est le plus important. C’est tout ce qui compte pour moi.»

Les accidents arrivaient et parfois on n’y pouvait rien. Isaac n’avait donc jamais pensé tenir rigueur de l’évènement à Léon quand il avait essayé de le retrouver. La seule chose qu’il espérait c’était une explication sur le pourquoi et le comment. Une confirmation et une explication de ce qu’il prenait à l’époque pour un tour de magie et qu’aujourd’hui il pensait pouvoir expliquer par le phénomène mutant. Un sujet qui lui était encore en grande partie inconnu, ayant seulement deviné qu’ils étaient sans doute plus présents et bien plus réel que tout ce qu’il avait pu imaginer dans ses idées les plus folles. Mais cette révélation, bien qu’un peu déstabilisante était loin de l’effrayer. Est-ce que le fait de connaitre cette vérité changeait véritablement quelque chose ? Si aujourd’hui le journaliste apprenait que son voisin était un mutant est-ce que cela changerait quelque chose à la personne qu’il avait été depuis qu’il le connaissait ? Non. Adressant un sourire qu’il voulait rassurant à Léon, il hésitait à aborder aussi rapidement ces questions avant de se résigner à continuer sur un terrain plus neutre pour laisser à chacun le temps de trouver quelques marques, pour mieux cerner l’autre et surtout pour que lui trouve le courage d’aborder ce sujet.

« Vous savez, je ne vous veux aucun ennui… et même si j’ai essayé de vous retrouver c’était seulement pour être bien sûr que je n’avais pas simplement rêvé. Que vous étiez bien vivant. »

Toujours assis, il avait inconsciemment gratté la cicatrice de son bras gauche, croisant le regard de Léon qui caressait la tortue du bout du doigt. Il espérait en tout cas apaiser ses craintes. Dans le fond ils avaient sans doute tous deux été effrayé par cet incident, mais ils étaient vivants et c’était ça l’important. Et puis l’homme n’était pas non plus le seul fautif, Isaac ayant sans doute pu être aussi plus prudent.

« Après tout j’ai failli vous écraser quand même et j’aurai pu vous blesser. Alors je pense qu’on est quitte et qu’on peut dire que c’est de l’histoire ancienne maintenant. Si vous êtes d’accord ? »

Il s’était levé à son tour, s’approchant du géant et de l’aquarium, lui tendant une main amicale en signe de bonne foi. Il ne voulait pas mettre Léon un peu plus mal à l’aise, mais certaines pensées et certains détails lui brulaient les lèvres dans l’envie d’être éclairci. Le problème c’est qu’il ne savait pas comment les amener. Ce fut que la cafetière se manifesta, le bruit du café venant de terminer de passer se faisant entendre depuis la cuisine. Prêt à aller chercher café et de quoi grignoter un peu, Isaac retint finalement ses autres questions pour le moment, les gardant pour un peu plus tard si il en avait l’occasion.

« Ah le café est prêt… Vous voulez que je ramène aussi quelque chose pour votre camarade ? »

Il n’était pas certain d’avoir de quoi contenter un coyote, surtout avec une tortue pour animal de compagnie, mais c’était au fond la moindre des politesses.

Rêver, voilà un mot qui sortait de l’ordinaire pour le mutant qu’il était. Lui aussi avait pensé rêver de nombreuse fois en découvrant ses pouvoirs, devenant tantôt mi homme mi bête ou pouvant aller d’un endroit à l’autre en un battement de cil. Lui qui possédait des caractéristiques hors du commun des mortels rêvait t’il tout cela ou étais ce bien réel ? Un sourire se dessina sur ses lèvres hors du commun dans ses gestes et ses pouvoirs mais tellement humain dans ses émotions. Il regarda l’homme qui se tenait à ses côtés, il ne semblait pas malhonnête ou douteux et s’il l’avait été sa vieille amie l’en aurait informé. Elle savait discerner les pensées de chacun et il se fiait à son 6ème sens animal les yeux fermé. Caressant toujours la petite tortue il entendit l’homme dire que tout était finit et qu’ils étaient quittent, une sorte de verrous se débloqua dans le cœur de Léon, le pardon ? Il lui accordait comme si de rien n’était, il manqua de lâcher la tortue qu’il avait au creux de sa main, il préféra la remettre dans son vivarium et s’humidifia les lèvres avant de lui dire :

-Votre réaction…me touche je ne sais que vous dire.

De son ouïe fine il entendit le sifflement de la cafetière quand son hôte lui proposa du café et quelque chose pour son animal il accepta :

-Un bol d’eau pour lui suffira je vous remercie.

Il retourna sur le canapé et s’assit tranquillement, quand il eut ramené le café il en but une gorgée avant de reposer la tasse et lui demander :

-Isaac j’ai besoin de savoir…qu’avez-vous vu exactement ce fameux soir ?

Il voulait savoir il avait besoin d’être sur que son secret serait garder, il avait autrefois fait confiance et cela l’avait conduit dans des situations qu’il ne souhaiterait pas voir arriver même à son pire ennemi. Il avait vu de prés jusqu’ou l’être humain était capable d’aller pour sa sciences et même si ils l’oubliaient les mutants étaient des humains comme les autres.
Regardant la fumée de son café les yeux perdu un instant dans un passé remplit de douleur il revint à son interlocuteur soupirant un instant il passa sa main sur sa nuque douloureuse réfléchissant aux mots qu’ils pourraient trouver sans choquer cet homme. Isaac était tout de même en droit de savoir Léon avait joué avec sa vie ce jour là et surtout la sienne :

-Avez-vous vu quelque chose…d’anormal ou non ?

Pourquoi cet humain ? Pourquoi lui inspirait-il une telle confiance et sérénité ? En quelques mots il pouvait tout changer, leur vie à tout les deux était désormais liée et ils tenaient désormais tout deux leur avenir dans leurs mains respectives.

La vie n’avait rien d’un long fleuve tranquille non, c’était au contraire bien souvent une putain d’épreuve à surmonter et comprenant plusieurs niveaux. Il était assez bien placé pour le savoir. Il avait vu plus d’une fois les vies gâchées ou détruites par la haine et la colère et le vide que cela laissait derrière. Il avait vu les dérapages que pouvaient entrainer une simple connerie, il en avait encore les images en tête. Et il en avait appris une leçon importante, celle de toujours essayé de faire les bons choix et d’adopter le bon comportement. Et pardonner une faute qui n’en était pas exactement une lui paraissait comme la meilleure des solutions et rien de ce qu’il pouvait se passer dans les réactions de l’homme ne lui ferait changer d’avis. C’était même plutôt le contraire.

Partit dans la cuisine, Isaac avait sorti deux mugs du placard, profitant de cette petite pause où il se retrouvait seul dans sa cuisine pour remettre un peu d’ordre dans ses idées et pour réfléchir finalement à la façon dont il pourrait aborder le sujet délicat des causes de l’accident avec Léon. Déposant la cafetière et les tasses sur un plateau, les remplissant de café tout frais avant de s’occuper du bol d’eau et des quelques gâteaux qu’il avait à grignoté, il avait ramené son précieux chargement jusqu’au salon, le déposant ainsi sur la table. Déposant d’abord le bol d’eau devant le coyote, il avait ensuite présenté une des deux tasses au brun avant de reprendre place, assis face à lui. Il se sentait déjà plus à l’aise maintenant qu’une partie de la glace avait été en quelque sorte brisé, maintenant que les choses étaient claires entre eux. Au point de vouloir finalement plus facilement oser parler de ce qui couvait encore.

Une idée que semblait partager Léon, sa question tombant alors qu’Isaac ramenait sa propre tasse vers lui pour en avaler à son tour une gorgée. Une gorgée presque brûlante, qu’il avait fait passer lentement alors que son interlocuteur semblait songeur, comme cherchant ses mots. Ce qu’il avait vu ? Il devait admettre que même si les images couvaient depuis au fond de son esprit, la peur de la folie avait fini par en embrouiller quelques souvenirs, au point de prendre un instant pour tous les ramener à lui.

« Et bien je vais être honnête avec vous, ce que j’ai vu … je vous ai vu apparaitre devant ma voiture au milieu de la route. Je vous ai vu approcher après vous avoir évitez et vous m’avez aidé à sortir. Et puis je vous ai vu partir. »

Il avait dit cela d’un ton parfaitement calme et posé, sans reproche ni menace après avoir reposé sa tasse sur la table. Jouant quelques secondes avec ses doigts longs et fins partageant sans doute un peu de l’angoisse de Léon de l’effrayer par ses mots aussi avait-il rapidement expliqués ses propos avant que l’autre ne se décide possiblement à fuir.

« Donc non je ne dirais pas que ce que j’ai vu était anormal. Ce que j’ai vu ma paru surprenant, peut être un peu étrange aussi, mais anormal non. Parce que si je l’avais vu c’est que c’était bien possible et que ça n’avait rien de contraire à l’ordre normal des choses. »

Un soupir, il n’avait pas cru à l’impossibilité des choses ce jour là et ça avait guidé le reste d’une partie de sa vie. Cet incident les avaient liés d’une certaine manière, laissant entrer Isaac dans l’univers de Léon. Un univers où l’impossible n’était pas forcément et au milieu duquel il faisait aujourd’hui les premiers pas. Il voulait montrer à l’homme en face de lui qu’il pouvait lui faire confiance, qu’il ne serait ni danger ni menace, et si les mots ne suffisaient pas il était prêt à le prouver par ses actes.

« J’ai toujours voulu essayer de comprendre ce que j’avais vu, des réponses que vous êtes probablement le seul à pouvoir m’apporter. Mon but n’est pas de vous attirer des ennuis ou de profiter de la situation. Je veux juste pouvoir être sur. »

Sur de son esprit, sur de ses convictions. Il n’en demandait pas plus à Léon que la réponse qui lui permettrait de se prouver à lui-même qu’il n’était pas un fou autant qu’un doux-rêveur.

« Alors oui j’ai besoin de savoir … vous êtes un mutant ? »

Sa voix n’était presque qu’un murmure, comme si il avait craint de faire fuir le brun. Il avait enfin réussi à prononcer ce mot. Un terme qu’il n’avait découvert que récemment pour remplacer les mots magie ou surnaturel. Un mot qu’il prononçait sans le moindre jugement, avec simplement l’attente de savoir si pendant toutes ces années il n’avait pas fait fausse route.

Les mots de l’homme restèrent ancrer dans la mémoire de Léon, chaque intonation, chaque propos. Isaac n’était qu’un homme en quête de réponse, il ne se dégageait de lui que de la curiosité et l’espoir de ne pas être fou. Il l’avait bien vu apparaître comme par miracle devant sa voiture, il se souvenait qu’il l’avait extirpé de la voiture. Il ne lui reprochait rien, Léon en entendant cela se sentit soulager, il laissa sa tête tomber arrière pour s’appuyer contre le dossier du canapé. Pour la première fois depuis qu’il avait rencontré l’homme il laissa échapper un sourire sincère de soulagement. Il regarda le plafond un instant, si pour une fois il arrêtait de se cacher, si pour une fois il tentait de faire confiance à quelqu’un. Isaac semblait être quelqu’un de bon, alors si l’animal qu’étais Léon devait se laisser un tant soit peu apprivoiser il décida que cet homme le pourrait. Tout les deux étaient désormais deux marionnettes liées par les fils imprévisibles du destin. Il se redressa et le fixa droit dans les yeux :

-Isaac, ce que tu as vu ce jour là n’étais ni ton imagination, ni ta folie…tu es aussi sain que moi.

Le dernier murmure d’Isaac semblait comme une plainte, Léon posa son mug de café avant de se lever :

-Ce que tu vas voir maintenant…te prouvera que tu n’es pas fou, mais je te demande une chose de garder tout ce que tu verras pour toi…aussi bien pour ton bien que le mien.

Regardant l’honnêteté d’Isaac dans son regard, Léon enleva sa veste avant de retirer aussi son t shirt et de se trouver torse nu dans le salon de l’homme. Son corps était parsemé de nombreuses cicatrices qu’il avait collectionné au cours de ses voyages, chaque marque sur son corps était un souvenir qu’il soit bon ou mauvais ils l’hantaient désormais sa chair. Sa vieille amie le regardait du coin de l’œil surveillant ce qui allait se passer. Léon regarda Isaac puis ferma les yeux en prenant une grande inspiration, il se concentra un instant il revus la tortue d’Isaac et là le miracle ce produit. Son corps sembla se désagréger dans un premier temps, puis des écailles se dessinèrent jusqu’à envelopper son visage. Sur ses doigts ses ongles poussèrent, ses cheveux et sa barbe avaient disparut sous les écailles il était devenus une sorte d’homme tortue. Il rouvrit lentement les yeux se tournant vers Isaac, nul mot n’était utile tout était vu, tout était dit dans ce silence. Sous son apparence monstrueuse il tenta de deviner les pensées de son interlocuteur, les premiers mots qui lui sortiraient seraient décisif pour eux deux. Allaient t’ils devenir ami ou ennemi ?

Tout était calme. En apparence tout était calme dans l’appartement d’Isaac, mais intérieurement son cœur battait la chamade de l’appréhension, tambourinant dans sa poitrine, dans un tumulte qui semblait résonner jusqu’à ses oreilles. Pourtant ça n’avait rien de toutes ces fois où il courait après un bon sujet. Ca n’avait rien à voir avec les moments où il prenait des risques pour approcher une personne qu’il aurait mieux fait d’éviter. Non c’était beaucoup plus simple et au fond tellement plus complexe. C’était la tension de l’ignorance, une tension qui s’effaça brusquement en voyant Léon sourire. Le faisant sourire en retour, dans un réflexe nerveux peut-être, mais qu’il ne pouvait réfréner. Ca n’était pourtant pas comme si on venait de lui courir après pour lui tordre le cou, pas comme si on l’avait repéré fouinant là où il ne devrait pas. Mais la réaction physiologique restait la même quel que soit les circonstances qui faisait monter son rythme cardiaque.

Un sourire qui n’avait pu disparaitre complètement quand Léon c’était adressé à lui, lui affirmant que non il n’était pas fou. Et ça faisait un bien incroyable de l’entendre dire par quelqu’un qui était directement concerné. Par quelqu’un qui n’était pas un ami essayant de lui remonter le moral ou cherchant à lui faire décrocher de ses idées folles. C’était presque une délivrance en réalité. Et il aurait pu clairement en sauter de joie, si le sérieux de toute cette histoire n’avait pas encore empli les lieux. Un sérieux qu’il retrouva aussi bien dans le regard que dans les paroles que lui adressa le brun.

Hochant simplement la tête, silencieux, Isaac avait observé le brun retirer sa veste, avant de le regarder légèrement surpris en train d’enlever son t-shirt. Il n’avait cependant rien dit, sa surprise se muant petit à petit en totale hébétude en voyant le corps de l’homme se couvrir d’écailles. Surpris par la transformation il s’était doucement levé à son tour, clignant des yeux plusieurs fois malgré le fait que Léon lui avait assuré qu’il n’était pas fou. Il avait espéré une démonstration, une preuve, mais il avait seulement imaginé voir le même tour que celui auquel il avait déjà assisté. Il avait seulement cru le voir disparaitre et réapparaitre. Et cette transformation en était donc d’autant plus étonnante qu’elle était inattendue.

« Je… Je ne sais pas quoi dire. »

L’émerveillement brillait pourtant au fond de ses yeux, mais il en avait tout de même perdu les mots avec lesquels il cohabitait pourtant si facilement d’habitude. Un sourire presque gamin avait même fini par étirer ses lèvres.

« Tu es vraiment incroyable… Je m’attendais pourtant à voir quelque chose de formidable, mais tu l’es encore plus que ce que j’imaginais apparemment. »

Fasciné, il avait avancé de quelques pas pour mieux voir la peau de tortue qui recouvrait maintenant l’homme. Réfléchissant à tout ce que cela impliquait, à tout ce qu’il découvrait et qu’il avait encore surement à découvrir. Les bonnes choses comme les moins bonnes. Car tout le monde ne devait pas réagir aussi bien que lui. Car dans le cas contraire l’existence des mutants seraient sans doute connue depuis longtemps. Et si Léon avait cherché à fuir au début ce n’était certainement pas pour rien. Se rappelant ce que ce dernier lui avait d’ailleurs dit, Isaac reprit un peu de son calme naturel, laissant sa curiosité en arrière plan.

« Merci… Merci de me montrer que je ne suis pas fou, ça compte énormément pour moi tu sais et je peux t’assurer que rien de ce que j’ai vu aujourd’hui ne sortira d’ici. »

Passant une main dans ses cheveux pour dissimuler un peu de sa gêne, le journaliste avait poursuivi doucement.
« J’ai conscience que ce ne doit pas être facile de rester cacher. Enfin je le suppose. Mais tu peux avoir confiance en moi, je ne dirai rien. Je pense que je te dois bien ça, après tout rien ne t’obligeais à me montrer ça. »

« Excuse ma curiosité, mais, tu as d’autres capacités ? Comment tout ça fonctionne exactement ?… Enfin ça ne me regarde pas... mais ça ne doit pas être évident à vivre tous les jours non ? »

Il avait déjà vu Léon apparaitre et disparaitre, il venait de le voir se changer en homme tortue, se pouvait-il qu’il cache en plus d’autres talents merveilleux. Des talents qui pouvaient sans doute peser lourd à force de les cacher.