La set-list posée près du micro, la tasse de café juste à côté, tout était prêt, n’attendant plus que l’arrivée et le bon vouloir de l’animateur de la tranche horaire suivante. A savoir Max. Un sourire étira ses lèvres tandis qu’elle jetait un regard par delà la vitre qui isolait le studio d’enregistrement n°8 et à l’extérieur duquel trois personnes de l’équipe de régie se mobilisaient pour retenir un assistant réalisateur prêt à bondir dans les couloirs à la recherche de son animateur disparu. Pauvre Donnie, le stress allait bien finir par lui provoquer un ulcère un jour. Pourtant ce n’était pas la première fois que Max lui faisait ce coup-là. A croire que l’animateur adorait disparaitre on ne savait où pour ne réapparaitre qu’au dernier moment. Heureusement il ne faisait pas ça non plus tous les jours et malgré toutes ces petites frayeurs Max n’avait jamais raté le lancement d’une seule émission, réapparaissant finalement toujours pile à l’heure.

Pour Haley ça n’avait donc rien eu d’étonnant alors que l’heure approchait et la jeune femme s’était ainsi arrangée pour préparer la liste de titres suivant et le café dont Max aurait besoin pour tenir son émission. Chantonnant doucement sous le regard irrité de Donnie, Haley vit finalement, la porte du studio s’ouvrir enfin, laissant apparaitre son collègue qui la salua d’un sourire.

"When I make love to a woman,
She can’t resist
I think I go down,
To old Kansas Stew"

Si l’assistant réalisateur écumait de rage, la rouquine elle n’avait rien contre le jeune homme âgé de seulement quelques années de plus qu’elle. Bien au contraire. Ces deux là s’appréciaient, se chamaillaient même parfois, mais ne ratait jamais une occasion de se croiser et de discuter, chose qui avait commencé le jour où Max lui avait fait visiter une partie des installations le jour de son arrivée. Aussi, Haley couvrait-elle du mieux qu’elle pouvait les petites manies de son ami. Elle commençait même à soupçonner qu’il en rajoute un peu pour lui laisser plus d’occasion à elle de s’occuper des titres et de profiter de la place.

« I'm gonna bring back my second cousin,
that little Johnny Cocheroo…
Oh j’adore Muddy Waters, ça c’est un bon choix rouquine ! J’espère que ma set-list sera aussi bonne que ça. »

« Si tu arrivais plus tôt, tu n’aurais pas à avoir la surprise. »

Sourire espiègle tandis que Max prenait place tout en mettant le casque sur ses oreilles, jetant un œil à la feuille posée près du micro avant de lancer un regard vers Donnie qui faisait le décompte silencieux avant de lui donner le départ, tandis que s’égrenait les dernières notes de "Mannish Boy". Quittant son siège Haley s’avança vers la porte du studio, silencieuse tandis que l’habituelle voix féminine des jingles de la station retentissait avec douceur avant que Max ne démarre.

« Bonjour à tous, bienvenus comme chaque jour avec votre humble serviteur et comme chaque semaine on commence avec une heure de dédicace alors n’hésitez pas ! Une déclaration à votre tendre moitié ? Un joyeux anniversaire à souhaiter à votre maman, votre chat ou votre grand oncle ? Choisissez une valeur sûre et appelez-nous pour dédicacer un titre de blues, de rockabilly ou de country au moins vous êtes surs de ne pas vous rater. Mais tout de suite je vous laisse avec l’un de nos plus grands artistes, l’excellent Elvis ! C’est donc "All shook up". »

Beaucoup devaient certainement trouver les émissions avec des dédicaces d’auditeurs complètement ringardes, mais Max et Haley les adoraient. Ils aimaient entendre les déclarations d’amour maladroites, les surnoms bizarres. Ils aimaient décoder les choix de chansons ; pourquoi ce titre ? Pour qui ? Oui ces deux là étaient amoureux de leur métier, amoureux du micro et surtout amoureux de la musique. Alors que la chanson commençait et que Max lui faisait un clin d’œil, amusé de voir combien elle connaissait ses préférences, Haley quitta le local et partit récupérer ses affaires. Oui en bon originaire de Memphis son collègue ne jurait souvent que par le blues et la country, le VRAI son de Beale Street comme il l’appelait. Et si la jeune femme le rejoignait parfaitement sur le blues, elle affectionnait en revanche plus le rock anglais qui constituait ses racines.

Après un dernier salut à l’ensemble de l’équipe et un rapide voyage en métro Haley avait finalement rejoint son appartement, déposant ses affaires, avant de passer sous la douche et de se changer rapidement puisque ce soir elle comptait se produire sur la scène d’un petit bar du quartier. Jetant un coup à son horloge, la jeune femme constata qu’elle avait fait plus vite que prévu et qu’il lui restait largement le temps avant de devoir repartir. S’approchant de son lit sur lequel reposait son étui à guitare, la rouquine en sorti avec précaution sa Hofner Verithin qu’elle avait toujours choyé, admirant toujours un instant les veinages sur le dos. Jouer un peu maintenant la ferait se mettre rapidement dans le bain pour plus tard et elle avait donc commencé à jouer les premiers accords de "The Letter", la chanson des Box Tops, mais dans un froncement de sourcil, elle avait interrompu son geste. Elle avait l’étrange impression que le son n’était pas aussi bon que d’habitude. Reprenant néanmoins, Haley écouta avec plus d’attention, mais s’arrêta de nouveau en constatant qu’elle ne rêvait pas et que les notes n’étaient pas aussi juste qu’elles auraient du l’être. Pourtant sa guitare semblait parfaitement accordée et aucune fissure ne semblait présente sur sa surface ou alors elle ne l'avait pas repéré.

Elle n’allait pas pouvoir jouer ce soir, ou en tout cas pas avec cette guitare, mais comme elle n’était pas du genre à renoncer ou se laisser abattre, elle avait plutôt choisi d’emmener l’instrument en urgence chez quelqu’un qui pourrait peut-être s’en occuper. Certes l’heure était tardive, mais il lui était déjà arrivé de passer voir pour les vinyles à la même heure et elle avait toujours trouvé la porte ouverte et le propriétaire prêt à l’accueillir et elle espérait de tout cœur qu’il pourrait l’aider ce soir. En franchissant la porte de la White Moon, son regard c’était par réflexe porté sur le mur de vinyles que l’on terminait d’installer. L’étui de sa guitare sous le bras, elle s’était approchée, expliquant rapidement son problème à l’homme dans la boutique qui lui avait alors indiqué le comptoir en fond de salle. Se raclant la gore pour attirer l’attention sur elle et couvrir la musique de Son House, elle écarta la mèche verte qui lui barrait la vue et la glissa derrière son oreille.

« Excusez-moi ? Je sais que j’arrive un peu tard, mais je crois que j’ai vraiment besoin que vous me sauviez la vie… »

Un sourire, même si intérieurement la possibilité de ne pas pouvoir jouer ne l’amusait pas tant que ça et un petit geste vers son étui pour montrer au jeune homme de quoi il retournait. C’est vrai qu’habituellement elle venait le voir pour les vinyles, mais ce soir la situation était tout autre.

« Enfin vous m’aideriez beaucoup si vous pouviez jeter un œil. Je suis censé jouer ce soir. »

« Tu n’aurais pas dû lui montrer cette guitare, mon oncle. Il ne voudra plus sortir. » disait Hanson au-dessus de l’épaule de Willy.

Tous les deux me regardaient au seuil de la porte de mon atelier. Je sais qu’ils étaient là. Je sentais leur odeur, mais je ne m’en préoccupais pas. Mon seul intérêt, pour le moment, c’était cette guitare. Un vrai bijou que j’avais la chance d’admirer.

Elle était étendue sur la vieille table de travail en bois usé. Je n’avais rien changé ici. Tout était d’origine. Je ne désirais aucunement moderniser l’espace. J’aime cette atmosphère, ce décor. Je me sens bien, chez moi, même si, à certains moments, je me revois quelques années en arrière, avec mon père à mes côtés ainsi que ma mère qui me lisait une histoire tout près des instruments. Certains disent que ce n’est pas sain de rester dans un environnement où il y a eu un drame, mais pour moi, c’était une nécessité. Je retrouvais ma mère, cette ambiance de paix, de réconfort qui me rend plus calme et bien.

Oui, j’étais bien, j’étais dans mon monde, avec les outils avec lesquelles je travaille depuis que je suis tout petit, l’odeur du bois teint, les vieux cadres et les objets datant des années 50 qui décorent l’espace. C’est comme si je n’avais jamais quitté cet endroit. Je n’ai jamais voulu le quitter, d’ailleurs. Je priais le ciel de retrouver les miens après ma sentence. De ne pas me retrouver loin de tout, recommencer à zéro. Je n’aurais pas supporté. Je ne serais plus ici...

Non, j’étais là, dans l’atelier de mon père contemplant ce chef-d’oeuvre. Ma cigarette fumait tranquillement entre mes lèvres. Le nuage fin grisâtre dansait autour de moi. Je ne bougeais un moment avant de faire le tour de la table regardant chaque détail de cet instrument. Je voulais qu’elle me parle, qu’elle me raconte son histoire sans que je lui demande...

Je pouvais voir ces détails dans les moindres recoins. Les marques du temps, des morceaux qu’elle a joués...

Plusieurs années, en fait...J’en souriais constatant tout le parcours qu’elle a dû traverser...

« Je vais aller fermer la porte, au moins. » soufflait Willy à Hanson. Son ton de voix était identique au découragement. Il avait du mal avec mon rythme de vie. À vrai dire, je ne me donnais pas de temps pour moi, selon lui. Tout revenait à la musique, à mon travail. Je parlais très peu du reste.

« Tu ne décroches pas, toi... »

Hanson quittait le cadre de porte en secouant la tête. Je suis impardonnable. Pour une fois que j’acceptais des suivre au bar, cette guitare tachait ma parole...

Willy s’approchait de la porte pour inverser notre affiche la mettant « Fermé ». Il n’y avait personne dans la boutique, alors Willy avait pris l’initiative de fermer légèrement plutôt que prévu...

La porte retentissait aussitôt....Willy venait-il de quitter la boutique ?

Non, j’entendais une voix de femme qui parlait à Willy, une voix que je reconnaissais très bien, cela me fit même sourire alors que je prenais la guitare entre mes mains...

C’était Miss Vinyle. On la surnommait comme cela, entre nous. Aussi présente que Frank, le DJ du bar, tout près d’ici. Il venait tous les jeudis, mais Miss Vinyle se pointait plusieurs fois semaine achetant au moins un vinyle à chacune de ces visites.

C’est une passionnée, comme moi. Une consommatrice de tous genres voulant apprendre, découvrir. Ce genre d’ouverture m’interpellait beaucoup. Rester dans une case sans en sortir, on manque de multiples possibilités. Elles ne sont peut-être pas toutes bonnes, mais on a essayé et c’est cela l’important...

J’ai un de ces plaisirs à lui présenter les nouveaux arrivés ou lui recommander un groupe selon son humeur de la journée. C’est une des rares qui semblent considérer la musique comme un rythme de vie et non comme un moyen de s’enrichir.

Elle s’approchait de moi, mais je ne quittais pas la guitare des yeux. Ce que je déplorais, par contre, c’était de sentir un sentiment de panique chez elle. Le rythme de son coeur battait à la chamade.Avait-elle perdu quelque chose ici depuis notre dernière rencontre ? Je n’ai eu aucun objet égaré rapporter, récemment, pourtant. Pas un autre vol ? Je commençais à avoir marre.

Hanson devait être aucunement souriant de voir une cliente arrivée à quelques secondes près de la fermeture. Lui qui regarde constamment sa montre pour l’heure du lunch ou de la fermeture, je pouvais deviner son regard de frustration à cette jeune femme...

Excusez-moi ? Je sais que j’arrive un peu tard, mais je crois que j’ai vraiment besoin que vous me sauviez la vie…

Je levais la tête aussitôt, dégageant une bouffée de fumée entre mes lèvres...

Lui sauver la vie ? C’était un peu fort, non ? Comment je pouvais sauver sa vie, alors que je la connaissais à peine ? C’est en voyant l’étui entre ces mains que je compris de quoi il en retournait. Je déposais la vieille beauté à corde sur ma table avant de m’approcher du comptoir, en face d’elle, retirant ma cigarette entre mes lèvres...

Je retirais ensuite l’aiguille sur le vinyle de Son House afin qu’elle sente toute mon attention, même si j’avais pu l’entendre à des kilomètres à la ronde.

Enfin vous m’aideriez beaucoup si vous pouviez jeter un œil. Je suis censée jouer ce soir.

« On allait fermer, mademoiselle. » répliquait aussitôt Hanson derrière elle.

Je le regardais sans attendre, insulté qu’il osai dire une telle chose. Oui, on allait fermer, mais c’est une cliente régulière et elle avait besoin d’aide. Non seulement j’apprenais qu’elle jouait de la guitare, mais qu’elle joue sans doute dans un groupe pour faire une performance.

Elle comptait donc sur moi pour réparer sa précieuse guitare. J’étais très content de savoir qu’elle me considérait capable de prendre bien soin de son instrument.

« Je suis capable de parler à cette demoiselle, Hanson. »

« Mais Dwayne, il est tard. Tu as le droit de... »

« Et je suis capable de prendre soin de moi, Hanson..., merci. »

Je regardais toujours Hanson lui montrant que je n’appréciais pas ces commentaires complètement impolis à dire devant une cliente. J’espérais que Willy fasse sortir son neveu rapidement avant que je me fâche véritablement.

Je me reconcentrais sur Miss Vinyle...

« Pouvez-vous sortir votre guitare afin que vous me montriez le problème, s’il vous plaît ?»

C’était moins une. Quelques secondes de plus et s’était sur son nez que se serait retourné l’écriteau "closed" de la boutique au lieu de lui laisser le temps de se glisser par la porte juste avant qu’une main ne commence de le retourner. Moins une donc, si bien qu’elle avait choisi de s’excuser auprès de celui qu’elle venait d’interrompre, hésitante quant au fait qu’on accepterait de rester un peu plus longtemps ouvert par sa faute. Tout le monde avait des obligations et elle pouvait le comprendre, même si en cet instant elle priait surtout pour qu’on l’écoute quelques secondes. Alors quand on lui indiqua de se rendre au comptoir du fond, elle adressa lui son plus grand sourire de remerciement, avant de s’avancer dans la boutique, son étui avec elle. C’est vrai qu’on l’avait toujours bien accueillit à chacune de ses venues et c’était véritablement un des atouts de cette boutique. Oui, c’était ce genre d’accueil et d’attention qui vous donnait véritablement l’envie de revenir.

Si il y avait bien un terme que l’on pouvait coller sans euphémisme sur le front de Haley c’était celui de cliente régulière, pour ne pas dire véritable habitué des lieux. Mais il y avait ce quelque chose en plus dans cette ambiance et ce décor qui lui rappelait un peu sa vie d’avant. Ce quelque chose qui lui faisait préférer venir faire ses achats ici plutôt que chez un autre disquaire. Oui quand elle revoyait le mur des vinyles, les affiches un peu anciennes au mur, elle se revoyait avec une certaine nostalgie à bord de ce bateau un peu rouillé qui avait totalement changé sa vie. Elle revoyait ses visages du passé qui l’avaient accueilli et guidé, qui lui avaient offert ce qui se rapprochait le plus d’une famille. Oui la musique représentait plus qu’une passion à ses yeux, c’était son univers entier, c’était ce qui avait permis ses meilleurs rencontres et qui lui avait donné ses meilleures jours. Chaque album qu’elle possédait pouvait la ramener à une époque précise de sa vie. Ainsi les Kinks la ramenaient à sa vie en Angleterre et "Johnny B. Goode" de Chuck Berry lui rappelait ses premiers jours aux Etats-Unis. Il suffisait alors de les écouter pour ramener ainsi chez elle toutes sortes de souvenirs. Et c’était exactement le genre d’émotions qu’elle voulait offrir quand elle jouait à son tour.

Se faufilant à côté du deuxième homme présent dans la boutique, elle avait fini par atteindre le fameux comptoir derrière lequel se cachait en quelque sorte celui qui pourrait peut-être arranger ses problèmes. Et elle n’avait pas été par quatre chemins dans le pourquoi de sa venue c’était le moins que puisse dire. Parce qu’il était déjà tard et qu’on attendait plus qu’elle pour fermer boutique certainement. Alors oui ses paroles étaient peut-être un peu exagérées, mais elle avait cette extravagance naturelle qui poussait parfois à en rajouter dans ses propos pour un meilleur effet.

« On allait fermer, mademoiselle. »

Elle s’était retournée, haussant un sourcil face à la remarque, lui lançant un regard perplexe quant à savoir si il avait écouté ce qu’elle venait de dire. Non vraiment ? Jamais elle ne se serait doutée qu’ils étaient sur le point de fermer, malgré l’évidence, doublée du fait qu’elle s’était déjà excusée d’arriver à cette heure. Ce retenant de toutes ses forces de ne pas riposter par un "Merci Captain Obvious", la rouquine avait plutôt choisi de reporter son attention Dwayne et avec qui elle avait nettement plus l’habitude de discuter quand elle venait. C’était étrange d’ailleurs, malgré tous les conseils qu’il lui avait apporté, malgré toutes ses visites à la boutique et le temps qu’elle pouvait y passer, elle n’avait découvert son prénom que très récemment et par le plus grand des hasards. Un hasard qui s’était présenté sous la forme d’un petit concert de bar, un concert où s’était Dwayne qui jouait. Elle qui avait toujours connu le côté un peu timide et étrange du vendeur, elle avait découvert ce soir là une nouvelle facette de celui qu’elle considérait comme son disquaire préféré. Une facette surprenante, tant le talent musical de l’homme était impressionnant, au point que ce soir là c’était finalement une grande admiratrice qu’il avait gagnée.

Restant silencieuse durant leur échange, Haley avait ainsi eu tout loisir de se remémorer cette prestation, jusqu’à ce que Dwayne ne s’adresse directement à elle. S’exécutant à sa demande, la rouquine avait déposé son étui à guitare sur le comptoir, détachant les deux fermoirs afin d’en ouvrir le couvercle et de sortir sa précieuse Hofner Verythin pour la présenter à celui qui serait peut-être son sauveur.

« Voilà, je dois normalement jouer ce soir et tout à l’heure en répétant après mon travail, j’ai noté un changement dans l’acoustique. Pourtant elle ne me semble pas désaccordée, mais je me trompe peut-être parce que certaines notes ne sonnent quand même pas très justes. Vous avez le temps de regarder ? Je sais que je ne choisi pas mon meilleur moment, mais je suis venu aussi vite que possible. »

A dire vrai, elle avait hésité à venir en voyant l’heure, essayant de se raisonner en se disant qu’elle pouvait très bien jouer ce soir avec sa seconde guitare, mais c’était un sentiment tout particulier qui la liait à la guitare rouge qu’elle venait de remettre entre les mains de Dwayne. Parce que c’était sa première vrai guitare, la sienne et pas celle que lui avait prêté Gavin quand il lui avait appris à en jouer. Cette guitare, c’était l’un des cadeaux les plus précieux qu’on lui avait jamais fait, quand après plus d’une année de folie rock’n’roll les chemins de ce qu’elle avait vu comme une famille avait fini par se séparer. Cette guitare était tout un symbole en même temps que la promesse de ne jamais s’oublier et c’était sans doute pour ça qu’elle tenait tant à jouer avec à chaque fois qu’elle décrochait la chance de se produire sur une scène.

« J’ai pensé que ça pouvait être du à une légère fissure de table, mais je n’ai rien remarqué non plus… Enfin il faut dire que je ne l’ai examiné que très rapidement. »

Elle s’était finalement tu, lui laissant le temps d’examiner l’instrument à loisir. Attendant peut-être un miracle, quand bien même elle ne lui en voudrait jamais si rien n’était possible ce soir.

Je ne le regardais plus. Pourtant, j'entendais les pas de Hanson s'éloigner de nous. Il hochait sûrement de la tête, déconcerté de me voir accepté encore un autre boulot de dernière minute. De toute façon, je préférerais le voir quitter la boutique avec Willy que je te voir tapoter du pied jusqu'à ce que je finisse le travail.

Oui, Hanson avait le don de me rendre irrité. Son attitude de paresseux me décourageait. Comment peut-on passer sa journée à regarder le temps passé ? Espérer que le temps avance plus rapidement pour quitter son travail . Ne faire que le minimum et ce contenter de peu.

Non, ce n'était pas une philosophie qui me plaisait.Au contraire, j'étais une personne fort travaillant me donnant à 100% dans chacune de mes tâches. Je refusais des travaux faire à la va-vite. Je voulais que tout soit le plus parfait possible. Non, je ne veux pas la perfection, mais je tiens à être satisfait avant de passer à un autre projet. Malheureusement pour moi, rare sont les moments ou je suis satisfait de moi. J'ai toujours cette tendance à corriger, à retoucher. Il faut que je me fixe une limite pour me contrôler, sinon je peux passer facilement la nuit sur un accord dans une composition.C'est plus fort que moi. Je suis passionné par ce que je fais.

Je ne pouvais pas refuser . Je levais la tête quelques secondes pour voir mes deux acolytes quitter la boutique me laissant avec Miss Vinyle.Ainsi. j'allais pouvoir prendre mon temps ne forçant personne à m'attendre.

Ce petit moment permis à la demoiselle de sortir sa beauté précieuse. Je n'ai pas pu m'empêcher de sourire à la vu de cette merveille.

Une Hofner Verythin .... dis-je tout bas en gardant mon grand sourire d'émerveillement.

Et je me suis placé en mode examen. Mon regard, mon attitude changea du tout au tout.J'étais concentré.Seule les paroles de Miss Vinyle retentissait dans la boutique.Je la laissais parlé prenant soin de soulever l'instrument avec le plus grand respect. Je la tenais par le manche avant de poser ma main délicatement sur la base....

Je la faisais tourner sous mes yeux regardant attentivement chaque courbes de l'instrument...

J’ai pensé que ça pouvait être du à une légère fissure de table, mais je n’ai rien remarqué non plus… Enfin il faut dire que je ne l’ai examiné que très rapidement.

Suite de ses mots, je me suis permis de la gratter. Je n'ai fais qu'un léger solo. Rien de spectaculaire. Je voulais juste la sentir,qu'elle me dise où elle souffre...

Mes oreilles cillaient. Oui, il y avait quelque chose...Je continuais de la regarder...

Oui, la fissure de table y est pour quelque chose, mais pas la totalité.

Je présentais la guitare devant Miss Vinyle, pointant le chevalet...

Il y a une des cordes qui posent problème et qui fait en sorte que ta guitare sonne drôlement. Elle semble déphasé.Je dois dévisser le chevalet et voir d'avantage...dis-je en reprenant une bouffée de nicotine.

Je la traiterais avec le plus grand respect, ne vous inquiétez pas. Elle doit venir de loin...

Je souriais. J'adorais les instruments qui me racontaient une histoire, m'expliquant tout le parcours et les événements auxquelles ils ont traverser.Ils auraient tellement de chose à nous dire.

Le tintement de la porte d’entrée se refermant les avait laissés seuls dans la boutique, alors qu’Haley présentait sa précieuse amie à Dwayne, répondant à son sourire par un autre un peu complice, avant de le laisser examiner tranquillement l’instrument. Elle avait profité de ce moment pour l’observer un peu plus attentivement. Il était évident que le jeune homme brun faisait partie du monde des passionnés de musique. Un univers de passion, qu’elle comprenait et qu’elle partageait au fond. Il était d’ailleurs toujours de bon conseil quand elle se présentait pour acheter quelques vinyles.

Passant son poids d’une jambe à l’autre, elle avait alors vu Dwayne se lancer dans un petit solo, grattant et pinçant les cordes en une petite mélodie. Elle avait perçu à l’oreille quelques notes dissonantes, preuve qu’il devait bien y avoir un problème. Elle avait regardé le jeune homme terminé son morceau. Ce n’était plus le simple vendeur qu’elle avait sous les yeux, mais bel et bien le musicien qu’elle avait découvert à ce petit concert et qui apparaissait de nouveau sous son regard. L’attitude, le regard qui brillait différemment, autant de petit signe révélateur de la passion pour ce qu’il faisait. Une passion qu’elle ressentait et vivait elle-même et qui illuminait son visage à chaque fois d’un sourire.

« Oui, la fissure de table y est pour quelque chose, mais pas la totalité. Il y a une des cordes qui posent problème et qui fait en sorte que ta guitare sonne drôlement. Elle semble déphasé. Je dois dévisser le chevalet et voir d'avantage... »

Elle s’était penchée en avant, curieuse, observant le chevalet qu’il lui montrait du doigt. Finalement elle avait bien fait de venir et à voir Dwayne, elle ne doutait pas une seconde qu’elle pouvait lui faire confiance pour prendre soin de sa précieuse guitare. Elle fut en revanche un peu surprise de sa dernière remarque. Comme si le jeune homme avait vu d’un simple coup d’œil que l’instrument avait tout comme sa propriétaire traversé bien des choses. Et c’est avec un sourire amusé et un brin de nostalgie qu’elle répondit.

« Loin je ne sais pas, ça doit dépendre des points de vues, mais elle et moi avons traversé l’océan Atlantique ensemble… Et déjà avant ça elle a passé toute une année sur un bateau en mer du Nord. »

L’essor et la vague de radio pirate qui avait frappait l’Europe il y a quelques années avait été un évènement marquant. Un évènement qu’elle n’avait pas vécu qu’en simple auditrice britannique, ais bien en tant que participante. Une expérience qui lui avait appris bien des choses, qui lui servaient encore dans son travail actuel. Mais sans doute que l’impact avait été bien moindre ici, aux Etats-Unis. Chassant les souvenirs, elle avait relevé le regard de sur sa guitare pour le reposer sur Dwayne.

« Je vous fais toute confiance vous savez… Il se trouve que j’ai eu l’occasion de vous voir jouer récemment et si vous êtes aussi doué pour les entretenir que pour en jouer, je pense que je ne pouvais pas trouver meilleures mains à qui la confier. »

Nouveau petit sourire rassurant. Elle avait vraiment était impressionné par la prestation du jeune homme brun, ressentant à l’entendre jouer ce petit sentiment électrisant qui la prenait quand elle-même grattait sa guitare. Et il était impossible pour elle de ne pas aborder au moins un peu le sujet alors qu’elle avait l’occasion de se retrouver face à lui.

« Pardon de ma curiosité mais … vous jouez depuis longtemps ? »

Elle était curieuse oui, mais ça n’était pas tous les jours qu’elle avait l’occasion de discuter avec un passionné de musique doublé d’un artiste de grand talent. C’était donc une occasion à ne pas rater.

Spoiler:

Plus rien n'existait durant ces quelques minutes. Toute mon attention, mon être était consacré à cette instrument. Dans les moindres détails, mon regarder s'y est consacré voyant tout le passé de cette guitare. Ces courbes, ces défauts, son âme. Je voulais la connaître avant de la toucher, de me présenter à elle. En aucun cas, je souhaitais la maltraiter. Je ne ferais jamais cela...Jamais.

J'étais content de voir que Miss Vinyle ne semblait pas s'immiscer dans mon examen. Habituellement, la plupart de mes clients me confient leur guitare et partent attendant mon appel. Cela me permet d'être seul et tranquille avec l'instrument. En ce moment, j'avais la demoiselle directement dans mon champs de vision et personne ne pourra la faire partir. Elle devait la reprendre le plus tôt possible pour son concert de ce soir.

Je devais donc faire vite,mais sans bâcler. Cette guitare a un certain âge et faire une sale job pourrait empirer son état. Alors, je préférais prendre mon temps, malgré la petite tête curieuse qui allait probablement m'observer jusqu'à la fin de la réparation.


Je pouvais être méchant, parfois. Il s'agit de Miss Vinyle. Cette demoiselle allait sûrement comprendre ma façon de travailler et me laissera faire ma job sans rouspéter. Elle sait que je suis respectueux, surtout avec de vieux instrument...

« Loin je ne sais pas, ça doit dépendre des points de vues, mais elle et moi avons traversé l’océan Atlantique ensemble… Et déjà avant ça elle a passé toute une année sur un bateau en mer du Nord. »

Je déposais délicatement la guitare avant de sirotté une autre poff de cigarette...

" Ahhh, je comprend,ce petit accent alors. Tu ne viens pas d'ici ?"

Je n'attendais pas nécessairement sa réponse. Je continuais sur la guitare en re-déposant ma clope dans le cendrier...

Je dévissais soigneusement le chevalet...Mes yeux ne quittaient pas le chevalet dévoilant de plus en plus le bobo de cette demoiselle...

« Je vous fais toute confiance vous savez… Il se trouve que j’ai eu l’occasion de vous voir jouer récemment et si vous êtes aussi doué pour les entretenir que pour en jouer, je pense que je ne pouvais pas trouver meilleures mains à qui la confier. »

Je souriais timidement...tout en continuant de travailler.Je suis conscient que des gens m'ont vu jouer, mais peu viennent me voir pour me dire de tel compliment. C'est flatteur, trop même pour un petit être comme moi.

Je déposais le tournevis la regardant un moment...et me replongea, de nouveau sur la guitare.

"....Et bien...merci..."

Oui, c'était déplacé. Il fallait juste changer la pièce. Je m'agenouillait pour être au niveau de la guitare...

« Pardon de ma curiosité mais … vous jouez depuis longtemps ? »

C'était une entrevue, dit donc ? Je détournais aussitôt ma tête pour la regarder, toujours agenouillé.

Je ne savais pas comment le prendre. Comme une insulte afin de savoir si j'avais les qualités de réparation ou par la curiosité du temps que je me suis consacré à en faire un métier. J'optais pour le 2e choix, j'espère...

Je me relevais d'un bond pour m'approcher de Miss Vinyle. Je m'appuyais sur le rebord de mon comptoir, prenant cette occasion pour continuer de fumer.

" Depuis que je suis en mesure de tenir une guitare...La boutique est à mon père...C'est lui qui m'a tout appris..."

Je me retournais aussitôt sans continuer dans la même veine. Parler de mon père et mon passé, ce n'était pas ce que j'aimais le plus. Je restait quand même respectueux envers Miss Vinyle.

Je marchais vers ma remise avec toutes les pièces imaginables de guitare...Ils étaient tous classés par type et qualité de pièce.

" Un de tes pontets fait défaut..Il faut juste la changer et replacer la corde...Ça me prendra pas plus que 15 minutes."