Elle ne pouvait pas bouger, figée sur sa chaise Jean regarda les objets se soulever autour d'elle. Le souffle rauque, elle agrippa les bras de sa chaise en bois tandis que sa mère surgit dans sa chambre.

« Dieu du ciel ! JOHN ! JOHN ! »

Non pensa Jean mais trop tard. L'armoire se souleva et vola en direction de sa mère qui hurla et se jeta au sol. La jeune Grey n'avait que dix ans mais son pouvoir explosait comme un vent chaud furieux. La petite se leva lentement et hurla quand son père entra dans la pièce. Les pensées l'envahirent et elle tourna littéralement de l’œil. S'effondrant, et les objets avec elle. Ses parents restèrent figés parmi les débris, la mère en pleure tandis que John Grey regardait sa petite fille rousse comme le feu inerte à même le sol. Était-ce une punition divine ? Mais de quoi ? Débuta alors des longs mois de silence de Jean puis un an passa sans qu'elle n'ait dit un mot. Ce qu'ignoraient ses parents ce fut qu'en réalité la petite passait son temps à leur répondre dans sa tête, entendant constamment leurs pensées. Sauf qu'elle ne se rendait pas compte de son pouvoir télépathique et donc en conséquence, de ne leur envoyait pas les réponses. Au bout d'un an et demi de mutisme, un beau matin la petite Grey dit un mot, l'air de rien.

« Maman, tu peux me passer le beurre ? »

Ses parents restèrent entièrement figés. Si la petite ne s'était pas exprimée depuis longtemps ses pouvoirs l'avaient fait pour elle. Il était arrivé plus d'une fois que ses parents s'enferment dans la chambre conjugale pour éviter de se faire tuer par un meuble du couloir. Voila ce qu'était devenue leur petite fille, une créature hautement dangereuse qui subissait des sautes d'humeur catastrophiques. Ils ne savaient pas quoi faire, la mère refusant de livrer son enfant à la médecine, alors elle espérait simplement qu'un beau matin, un miracle arriverait. Six mois plus tard en 1962 un miracle surgit. Deux hommes qui sortaient de nul-part mais que Jean semblait avoir senti et attendu. La petite fille se tenait droite sur le canapé du salon, une lueur sauvage dans son regard d'un vert étrange. Ses pouvoirs couraient le long de sa peau, se dégageant d'elle comme une onde dangereuse.

« Vous n'avez rien à faire ici. »

Douze ans mais déjà dangereuse. Ses parents étaient dans la cuisine, inquiets, et pourtant, quand ils revinrent au salon, ils trouvèrent Jean seule et sans explication. S'en suivit une longue période où la petite s'apaisa et devint une élève studieuse. En effet, elle s'avérait être une excellente élève, hautement intelligente et Jean trouvait un certain apaisement dans le travail scolaire. Le lycée fut une période extrêmement difficile pour la petite qui ne comprenait rien à ses homologues. N'oublions pas que Jean entendait leurs moindres pensées et c'était véritablement dégoutant. La période de l'adolescence permit à la jeune mutante de découvrir les garçons et d'en être encore plus dégoutée même si elle retenait une certaine fascination pour eux. Ce fut peut-être à l'âge de dix-sept ans qu'elle comprit qu'elle n'était pas faite pour ce monde... Il s'appelait Jack et c'était le garçon le plus populaire du lycée. Un soir, lors d'une fête d'école, il réussit à les isoler tous deux, dans un coin bien sombre et Jean échangea son premier baiser. La sensation de picotement excita ses sens et elle adora cela. Enroulant ses doigts autour de la nuque de Jack, elle approfondit le baiser. Sa télépathie augmenta aussitôt, lui dévoilant toutes les pensées salaces du jeune homme. Une petite voix murmura dans son esprit que tout irait bien, oui... Les poubelles se mirent à vibrer, animées par la télékinésie.

Ce fut quand elle sentit sa main répugnante sur sa cuisse que le phénix intervint. JAMAIS ! La jeune femme repoussa Jack qui vola à travers le terrain et s'écrasa mollement. Jean posa ses mains sur sa bouche, étouffant ainsi un sanglot. Se relevant vivement, elle se mit à courir aussi vite qu'elle le put. Et elle s'enferma de nouveau dans son mutisme durant six mois. Ne parlant plus à personne, et subissant des sautes d'humeur à la maison. A dix-huit ans elle eut son bac en poche et intégra l'une des plus prestigieuses universités de médecine des États-Unis. Elle voulait comprendre le genre humain, coûte que coûte. Au bout de deux ans d'étude, elle en eut marre. De plus en plus fatiguée de jouer un rôle qui n'était pas le sien, Jean Grey partit à l'adresse que le professeur Charles-Xavier lui avait laissé, huit ans auparavant. Un petit matin elle arriva devant l'institut et toqua à la porte. Quand celle-ci s'ouvrit sur une jeune femme éreintée que Jean était devenue, elle fit un maigre sourire.

« Dites au professeur que Jean Grey est là. »

Et la voila, elle intégra l'institut Charles-Xavier car elle savait au fond d'elle que si elle ne le faisait pas, un jour, elle tuerait ses parents. Après tout, elle n'avait pas manqué de faire voler un corps dans la morgue. Peut-être bien voulait-elle comprendre les humains, mais avant tout, devrait-elle apprendre, à se comprendre elle-même...