- C’est un peu compliqué... J’avais déjà plus de 16 ans, quand ma première "créature" est apparue. J’étais à l’hôpital et… disons que l’apparition de ce qui ressemblait à une petite fée n’est pas tout à fait passé inaperçue.
J’ai quand même pu sauver la fée, précisa-t-elle ensuite. Et l’équipe médical a conclu que nous avions tous été victime d’une hallucination collective.

Je souris faiblement plus en tant qu'encouragement qu'autre chose. Je jouais avec mon verre tout en écoutant ce qu'elle disait, sa mutation n'avait pas vraiment l'air simple à gérer.

- Des choses bizarres étaient déjà arrivées avant, et tout s'est peut-être déclenché plus tôt, mais je ne saurais pas vraiment dire quand ni comment.

- De ce que j'ai pu voir les mutations se déclenchent généralement à l'adolescence. Comme si c'était déjà une période simple....

Les dossiers des mutants que je consultais tous les jours, me le prouvaient, c'était déjà arriver plus tôt pour certains, plus tard pour d'autres mais dans la moyenne c'était durant l'adolescence...
En entendant que je faisais le ménage pour m'occuper pendant mes nuits blanches sembla troubler la jeune femme, ce genre de tâche ménagère ne m'avait jamais dérangé, il fallait bien participer aux tâches ménagères.
Mais ce léger trouble amena une nouvelle question de la jeune femme.

- Vous vivez seul ?

Je venais de boire une gorgée, je souris tout en reposant mon verre. Cette question était légitime, mais en effet je vivais seul, et ça depuis que j'étais étudiant, craignant de déranger à la maison, j'avais à l'époque un travail qui me prenait mes soirées, mes révisions se faisaient pendant une partie de la nuit, et me prenaient mes week-ends.

- Ça se voit tant que ça ? Riais-je

Puis je ne pus m'empêcher de reprendre mon sérieux et de lui donner une réponse convenable. Ce rire n'était là que pour cacher mon malaise, j'aurais préféré répondre oui, peut-être que je ne chercherais plus à me venger à tout prix mais ça ce n'était pas gagné.

- Je vis seul, en même temps qui voudrait vivre avec quelqu'un comme moi.

Le quelqu'un comme moi souligner deux choses, premièrement ma mutation, et ce à quoi je m'en servais. Je baissais les yeux vers mon verre, m'étais-je engagé dans une guerre sans fin, sans aucun espoir d'avoir une vie ? Et je ne pouvais pas faire entrer n'importe qui dans ma vie, quand par ma seule présence je mettais la sienne en danger. Bien qu'on ne connaissait pas encore le visage de Spiegel, j'étais sûr que ça n'allait pas tarder. Que j'aurais à fuir à nouveau, j'avais même préparé un sac d'urgence au cas où...

- Et vous ?

Je relevais la tête vers la jeune femme, je venais de parler du jukebox, quand je lui demandais si elle voulait un peu de musique, elle mit quelques secondes avant de me répondre. Je me dirigeais donc vers le Jukebox, j'y introduisis une pièce et appuyais sur les touches au hasard, n'ayant pas vraiment de préférence. Je retournais m'asseoir.

- J'espère que vous aimez.

- Vous avez déjà rencontré beaucoup d’autres mutants ?

- Oui on peut dire ça. Je suis docteur dans un Institut où il m'est arrivé d'en croiser certain.

Je souris, pensant à mon travail, un des rares endroits où je me sentais comme chez moi, à l'aise et entourer par les gens qui me ressemblaient.
Je ne pouvais pas dire que je travaillais parmi eux toutes la semaine, et certaines fois les weekends. Afin de ne mettre personne en danger, j'évitais un maximum de dire que je n'étais entouré que de mutants...

Puis Félicia mentionna un certain Victor, un ami avec qui elle vivait. Elle semblait vraiment heureuse et soulagée de l'avoir connu, j'en déduisais qui l'avait surement aidé et peut-être même plus d'une fois. Puis on dériva sur le choix de la musique que j'avais fait et qui semblait lui plaire. Le hasard était avec moi ce soir.

J'attrapais mon verre, et le bu cul sec, je voulais en recommander un mais avant que je ne puisse le faire, la jeune femme revient sur un sujet que nous avions abordé un peu plus tôt.

- J'ai repensé à ce que vous avez dit tout-à-l'heure, dit-elle alors. Je ne sais pas si vous pensiez à votre mutation ou pas, mais, si c'est le cas, je crois que vous avez tord.

- Ça ne devrait pas vous empêcher de vivre avec quelqu'un.

Si seulement c'était si simple. Je vivais seul, me lever seul, manger seul et je me couchais seul. Sauf les soirs où j'obtenais un nom et que ma soif de vengeance prenait le dessus sur moi. Me changeant complètement, faisant de moi cet espèce de meurtrier sans la moindre once de conscience ni de pitié...

- Vous accepteriez de vivre avec quelqu'un comme moi ? Quelqu'un qui peut être d'une humeur massacrante, plus les jours passent plus il devient infernal, jusqu'à ce qu'il s'absente toute la nuit pour une raison qu'il ne vous donnera probablement jamais, parce qu'il est sûr que personne ne peut cautionner ni accepter ce qu'il fait. Il reviendra le matin plus calme et détendu que jamais, et ça durant des mois voir des années ?

- Qui voudrais vivre avec un monstre qui peut vous faire faire n'importe quoi...

J'émis un léger sourire triste... C'était moi... L'être infernal. Je pouvais être d'une gentillesse extrême comme je pouvais tout détruire sur mon passage. Je levais la main afin de faire un geste au serveur. Il se rapprocha de nous, je recommandais la même chose, avant de m'adresser à Félicia.

- Vous en voulez un autre ?

- Vous travaillez dans un hôpital ou dans une clinique ?

- Plutôt dans un Institut, une école pour surdouée.

L'endroit que j'aimais le plus, j'étais moi, je n'avais pas besoin de me cacher et je pouvais faire mon travail tranquillement. Et ma porte était toujours ouverte si un mutant avait besoin de parler.
Puis la conversation tourna sur le fait de vivre avec moi, un mutant et aussi un tueur à ses heures perdues...

- Présenté comme ça, c’est sûr que ce n’est pas très vendeur.

Je souriais à mon tour, puis je m'interrogeais sur qui pourrais vivre avec un autre monstre, et la jeune femme répondit très simplement :

- Un autre monstre ?

Un monstre a-t-il le droit de tomber amoureux et de prétendre être heureux. J'avais la volonté d'essayer. Je voulais être heureux, et aller de l'avant. Puis je remarquais que la jeune femme regardait autour de nous les gens dit "normaux"

- Ils nous verraient probablement tous comme des monstres, s’ils savaient. Mais ça ne veut pas dire qu’ils auraient raison.

- Et ils auraient raison pour l'un d'entre nous. Mais je préfère encore être moi, que l'un d'entre eux...

Même si ma vie aurait été plus simple, si j'étais normal, je n'aurais jamais eu à tuer, je serais probablement devenue un chirurgien comme mon oncle le voulait...
Quand le serveur arriva, je recommandais un whisky, souriant au serveur qui récupéra mon verre. Je n'avais pas fait attention que le verre de Félicia n'était pas vide, préférant ne pas surveiller ces moindres faits et gestes. Je lui avais bien dit que je lui faisais confiance non ?

- Non, merci. Je n’ai pas encore finit le premier.

Je m'excusais donc auprès de Félicia, le serveur ne tarda pas à revenir avec mon verre, il avait glissé des glaçons... Je n'avais pas demandé mais j'étais en pleine conversation alors ça sera avec les glaçons...

- Je mentirais en disant que votre pouvoir n’a rien de dérangeant. Personne n’aime l’idée de perdre le contrôle de ses actes, mais je ne crois pas que cela fasse de vous un monstre. C'est ce que vous en faite qui compte et d’après ce que j’ai vu, je ne suis pas sûre que vous méritiez cette appellation plus qu’un autre.

- C'est la première fois que quelqu'un se donne la peine de me dire ce qu'il pense et qui ose me dire que je n'en suis pas un après ce que j'ai fait tout à l'heure. Je vous remercie pour ça.

Je lui souris, je ne voyais pas de peur dans son regard et ça me rassurer qu'après ça, elle ne se mette pas à me fuir.

Je vis la jeune femme esquisser un sourire, elle ne semblait pas avoir peur de moi, ça me rassurait dans un sens, que quelqu'un puisse me traiter comme une personne normale et pas pour le monstre que je crois être.
Je commençais à faire tourner mon verre vide.

Mais bon sang que faisait ce serveur ? Je commençais à le chercher quand il arriva s'excusant de son retard et déposa mon verre, tout en reprenant le vide. J'avais l'intention de faire durer ce verre la jeune femme m'avait vu utiliser mon don pour me débarrasser de deux personnes, elle n'allait pas me voir saoul maintenant....

Puis je vis la jeune femme jouer avec son verre, je faisais ça quand je ne savais plus quoi dire, ou que je me sentais mal à l'aise, c'était un moyen de détourner l'attention tout en s'occupant en même temps...

- Vous auriez pu me tuer, mais vous ne l’avez pas fait.

Je ne tue pas au hasard, les personnes que j'élimine sont liés à mon passé, et même si elle en avait trop vu elle était une mutante aussi, elle n'allait donc pas prendre le risque de dire que j'en étais un, je lui avais même donné deux poignards histoire qu'elle ait une avance sur moi si je venais à déraper.

- En effet et je ne le regrette pas.

Certaines fois je ne pouvais contrôler ma colère devenant presque une autre personne, mon opposé, et je pensais que la présence de Félicia m'avait aidé à me contrôler, la peur de perdre le contrôle et de blesser quelqu'un qui n'avait rien à voir la dedans.

- Je vous ai même donné de quoi me blesser, soit j'ai était très stupide, soit je vous ai fait confiance. Et je penche plutôt pour la deuxième option.

Je souris avant de saisir mon verre et de boire à nouveau, cette fois si plus calmement que le dernier verre, je commençais à me détendre, l'ambiance de ce bar était plutôt agréable tout comme la compagnie.

- J’espère que vous avez raison.

- Rassurez-vous j'ai souvent raison.

Je souris tout en prenant une nouvelle gorgée, je buvais ce verre plus doucement, histoire de ne pas finir ivre avant d'être de retour chez moi. Plus la soirée avancée plus je me détendais chose rare après ce que je venais de faire, c'était surement dû à la présence de la jeune femme.

Je regardais les gens autour de nous, ceux du bar qui était désespérément seul, à certaines tables on pouvait voir quelques couples, à l'autre bout de la salle un groupe d'amis semblait passer un bon moment. Je souris en entendant leurs rires, j'étais comme ça avant...

Un gentil gars insouciant pas le plus populaire mais sans être la paria, j'avais un bon groupe d'amis, on se retrouvait souvent comme ça, n'importe quelle excuse nous servait à nous retrouver et à faire la fête à notre façon, mais ça avait bien changé... J'étais devenus un peu plus solitaire assoiffé de vengeance, sacrifiant mes soirées entre amis pour des soirées ou je traquais les gens qui connaissaient des gens qui connaissaient ceux qui avait quelque chose à voir avec ce qui c'était passé...

- Il se fait tard.

J'opinais mais la jeune femme ne partait pas pour autant, elle semblait avoir autre chose à dire ou autre chose à demander. J'haussais un sourcil n'étant pas télépathe j'aurais bien du mal à l'aider. Mais je pouvais toujours essayer et qui sait à deux on y arriverait peut-être.

- Comment devrais-je faire si …

Si elle avait besoin de mes services ? Non ça ne lui ressemblait pas, qu'est-ce que ça pouvait bien être ? ... Ou bien de me revoir ? C'était peut-être une bonne chose ? Après tout si après ce qu'on avait vécu elle était toujours partante pour me voir, sauf si c'était pour m'utiliser... Personne ne me manipulait, ça c'était mon don au sens propre comme au figuré....

- Je crois que je suis face à un genre de dilemme.

- Ne soyez pas gênée après ce qu'on a vécu je pense que vous pouvez tout me dire.

Je souris comme pour la réconforter ou lui donner du courage, n'étant pas sûr que ça marcherait mais au moins j'aurais tenté. Je ne voyais pas ce qui pouvait y avoir de si terrible pour qu'elle n'ose pas exprimer sa pensée.

- C’est Victor. Je ne sais pas si vous vous souvenez, mais c’est un peu à cause de lui qu’on s’est rencontré.

- Et bien dites-lui que vous m'avez rencontré, que je ne suis pas intéressé. Et Félicia si vous voulez qu'on se revoie il n'a pas à être au courant.

Je souris tentant de lui faire comprendre que tout allait bien, qu'on ne se servait pas de moi comme ça, bien au contraire, j'étais le marionnettiste pas la marionnette et ça n'était pas près de changer. Je pouvais être manipulé, comme tout être humain, mais je faisais attention, ce Victor ne me plaisait pas il sentait les problèmes...

- Je crois que je vous l’ai dit, il a entendu parler de vous et voulait… je ne sais pas. Entrer en contact ou quelque chose comme ça. Je l’apprécie et je lui dois beaucoup, mais… Il fait rarement une chose sans en avoir une autre en tête et…

- Ne vous en faites pas pour moi, vous avez fait votre travail, je me charge de Victor si jamais il veut quelque chose venant de moi.

Ou alors je pouvais l'utiliser pour avoir ma vengeance puis fuir ? Je signerais mon arrêt de mort, devant toujours être en cavale, ça signifiait pas de famille, pas de repos possible... J'admirais les gens qui pouvez-vous dire ce qu'ils feront dans 10 ans, mais moi je ne voyais rien, comme si un voile se déposait m'empêchant de m'imaginer quoi que ce soit.

- J’ai cru comprendre que vous n’aimiez pas ce genre de personne.

- En effet, je n'apprécie pas que des étrangers se mêlent de ma vengeance dans le seul but de m'utiliser.

J'appréciais la jeune femme, elle était différente, elle avait ce petit quelque chose, elle paraissait fragile mais j'étais persuadé qu'elle ne l'était pas autant que ça. Je n'allais pas la faire disparaître, elle ne m'avait rien fait, ce n'était pas sa faute si son boss avait tout fait pour nous pousser à se rencontrer.

- Je suis bête.

- Si je suis bien sûr d'une chose c'est que vous êtes loin de l'être.

J'attrapais la serviette sous mon verre, avant d'attraper un stylo dans la poche de ma veste, et d'inscrire un numéro, plus précisément mon numéro, à l'appartement je recevais très très rarement de la visite, vivant seul elle était sûre qu'elle pouvait tomber sur moi. Puis je fis glisser la serviette en direction de la jeune femme, elle était libre de l'acceptait ou pas

- Voilà si jamais vous avez des soucis ou simplement besoin de parler, ou de vous balader.

Je souris terminant mon second verre, je n'allais pas en commander un troisième ou je risquais de me mettre à chanter comme un marin et ce n'était pas vraiment le but de la soirée...

Je comprenais ses craintes au sujet de Victor je savais très bien qu'il ne lâcherait pas l'affaire comme ça, mais je n'étais pas le genre à me faire manipuler aussi facilement, quoi qu'il fasse, je n'avais pas l'intention de devenir son chien-chien, ce n'était pas vraiment mon genre...

Je tentais de rassurer la jeune femme en face de moi, ne sachant pas si ça marchait vraiment ou non... J'espérais en tout cas. Elle n'était que le messager, Félicia faisait son travail. C'était à moi de faire la part des choses.
Quand je lui tendais la serviette avec mon numéro je lui laissais le choix, je ne m'attendais pas à une réponse précipitée mais si elle avait besoin d'aide et qu'elle ne savait pas qui contacter, elle aurait mon numéro.

- Merci.

Je souris en la regardant la ranger dans son sac, puis elle déposa de quoi payer sa boisson, je poussais l'argent dans sa direction, je l'avais invité il était normal que je paye, je m'arrangeais à ce que le serveur tourne dans notre direction, afin de payer notre consommation. Puis la jeune femme me fit un léger signe de la main avant de se diriger vers le barman surement pour appeler un taxi.

Je me levais à mon tour, et attendis de voir le taxi arriver et que la jeune femme soit à l'intérieur afin de prendre la direction de mon appartement, un peu de marche me ferait certainement du bien, je préférais cependant ne pas trop traîner dans le coin...

Une fois passer la porte de mon appartement, je retrouvais Mark dans mon canapé endormi en face de la télévision et mon assiette vide, je m'approchai et éteignis la télévision, il se réveilla en sursaut quand je débarrassais "son" assiette...

- Ah ben enfin, j'ai bien cru qu'on t'avait fait la peau.
- Comme si ça ne t'aurait pas arrangé. Riais-je.
- Bien sûr que non, chez qui j'irais squatter sinon ? Alors ce messager il avait des infos ?
- Oui... Je vais aller me coucher...

Je laissais Mark sur mon canapé, avant d'aller prendre une bonne douche, en passant de la salle de bain, pour aller dans ma chambre, j'entendis qu'il avait rallumé la télévision. Je souris, avant d'aller me coucher et de tenter de dormir...