-Ça ne me regarde pas.
-Ça me surprend de ta part. Est-ce en raison de...
-Non. Je peux me foutre dans la merde seul sans que tu n'ais à m'y aider.

Il mentait. Bien sûr que c'était en raison de ça qu'il ne tenait pas à prendre le prochain vole pour le Mexique. Parce que rien n'avait eut lieu comme prévu. Parce qu'il avait tout vu, ce jour-là. Et qu'il n'avait rien dit. On lui avait fait comprendre qu'il avait sans doute raté le scoop de sa vie. Peut-être. Peut-être, effectivement, avait-il tout raté. Mais il y avait eut, dans ce sable lustré d'indignations humaines, quelque chose de tout à fait inhumain. Un quelque chose qu'il n'aurait pas su expliquer même s'il avait dit mot. Alors il s'était tut. Il avait pendu haut et court ces pensées. Il avait exécuté ses craintes et ses doutes. Mais il n'y retournerait pas. Pas même sous la menace. Pas même sous la tentation. Il était un être téméraire, que rien ne semblait jamais effrayer. Mais cet endroit avait laissé une marque dans son esprit. Une interrogation, plus qu'une peur réelle. Un bruit de verre cassé. Une sonnerie d'urgence. Un tintement strident d'alarme. Une opposition, d'abord: c'était impossible. Mais n'était-ce pas son boulot de faire la lumière sur le plus surprenant des spectacles?

Il avait vu l'homme ruminer quelques instants, les bras croisés. Croisés: refus. Le message ne passe pas. Il semble accepter l'idée. Le brun ne se doute pas de le voir revenir à la charge d'ici la fin de la journée. Raison pour laquelle il opte plutôt d'attraper son sac, son appareil et de quoi travailler avant de quitter les bureaux de rédaction comme un coup de vent orageux, sourire aux lèvres. Ce n'était pas qu'il avait mieux à faire que d'écrire un article emmerdant sur la pluie et le beau temps. Mais Felix était de terrain. Il n'avait jamais aimé la partie paperasse du boulot et laissait habituellement cette partie à ceux avec qui il travaillait. Il était celui qui sautait devant un autobus pour sauver un chaton, quitte à se faire écraser comme une crêpe. Il était celui qui se glissait dans un bunker pour espionner une conversation de la mafia. Il était celui qui se faisait passer pour un flic pour s'infiltrer sur une scène de meurtre impossible à résoudre. Il était ce type qui se portait volontaire pour être otage d'un cambriolage de banque. Il était celui qui faisait passer la vérité et le métier avec sa propre sécurité.

Vivre. Vivre jusqu'à ne plus être. Vivre ne serait-ce que pour découvrir ce qui donnait tant envie d'avancer. Et tant pis pour les bâtons dans les roues. En fait fi et marcher, droit devant, sans un regard en arrière, sauf pour voir si son prochain était tombé, peut-être. Et s'accrocher, simplement s'accrocher. Parce que c'était ce qu'il avait toujours fait. Depuis des nuits entières. Depuis les jours d'avant à aujourd'hui. Même si la situation était différente de ses gamineries étourdies, s'accrocher toujours.