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 At first sight

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MessageSujet: At first sight   At first sight Icon_minitimeJeu 30 Jan - 16:51


- Et toi, tu viens d'où ?
- Allemagne.
- Avec un nom comme ça ?
- C'est pas mon vrai nom. J'ai choisi Kojève, parce que sa vision de Hegel m'a renversée.
- Sur la phénoménologie de l'esprit ?

Alexiane hocha la tête, un sourire aux lèvres. Pour une fois qu'un de ses collègues saisissait la référence à Alexandre Kojève, sans lui dire que "de toute façon, la philo, pour bien en faire, faut fumer, et pas que du tabac". Elle s'en réjouit intérieurement.

- Et à choisir entre un nom de communiste et un nom qui fleure bon la Wermacht, je préfère les communistes.

Elle avait dit cela sur un ton neutre. Son nouveau collègue d'histoire restait muet. Elle lui donna une bourrade amicale.

- On choisit pas ses origines.

Elle alluma une cigarette.

- Je te laisse, je commence. A plus.

Elle reprit son sac et lui sourit une dernière fois. Elle s'enfonça dans les méandres des couloirs de l'université de Colombia, la cigarette entre ses lèvres. Elle s'était posée sur le bureau, paisible, et avait commencé son cours. Elle s'était présentée, avec son anglais impeccable, masquant l'accent allemand sans grande difficulté. Elle avait aligné sur le bureau quatre cigarettes.

- Voilà mon Idée du temps. Quatre cigarettes, deux heures. Je m'appelle Alexiane Kojève, et on est ensemble pour un semestre.

Elle avait passé son cours assise sur le bureau, le bout des pieds sur une table. Sur le désir. Ce qui différenciait essentiellement les hommes des animaux, selon la vision hégelienne. Deux heures plus tard, elle était dehors, glissant une cinquième cigarette entre ses lèvres. Son sac sur les épaules, elle se fondait dans la masse des étudiants. Jouant des épaules, elle se fraya un chemin jusqu'au parking réservé aux enseignants. Elle ouvrit la Mustang flambant neuve qui avait été son caprice d'entrée sur le sol américain. Elle passa à l'hôtel où elle logeait depuis une semaine, et chargea le coffre de sa voiture de ses affaires. Un sac, quelques fringues, rien de spécial.

Direction l'Institut Charles Xavier. Au moins avait-elle une place bien au chaud de réservé. Pas avec cette atroce fuite qui faisait exploser une goutte sur le sol de la salle de bain, et le chauffage approximatif. Cette missive l'avait étonnée. Son don... Elle ne l'avait pas utilisé depuis son arrivée à New York. Elle avait été assez intriguée pour accepter la proposition de rejoindre l'institut. Après tout, elle n'avait pas vraiment d'autres plans.

Elle descendit de sa voiture. Se prit une une saucée terrifiante, la glaçant jusqu'aux os. Elle courut jusqu'au hall de l'Institut, s'engouffra dans le bâtiment. Elle posa sa valise dans le salon, détrempée, gouttant sur le parquet. Elle repoussa une mèche blonde sur son visage, et s'ébroua. Il était assez tard. Elle n'entendait rien. Et il y avait personne pour l'accueillir. Elle se sentait... Stupide.


Après un instant passé le regard dans le vague, à laisser les secondes s'écouler comme la flotte le long de sa mâchoire, elle fronça les sourcils. Il y avait en ces murs une étrange énergie qui pulsait. Elle tendit les mains, les yeux fermés, tâcha d'en identifier la possible source. Vainement. Debout dans cette pièce, son sac sur ses épaules trempées, les mains tendues, son mètre soixante grelottant de froid, elle avait l'air d'une élève paumée.
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MessageSujet: Re: At first sight   At first sight Icon_minitimeJeu 30 Jan - 23:19




« Je n’ai pas le temps ».

Cette phrase était devenue sa marque de fabrique. Dès les premières lueurs de l’aube, elle se murait dans le silence, papillonant entre son repas, les blessures de guerre, les camés, les rebus et le service des urgences. Crever de froid sur les marches en attendant un nouvel appel. Un nouveau shoot et on fera peut-être encore trois mètres. Ca sera suffisant. Jusqu’au soir. Ravaler la cendre, le souffre, la poussière. Arracher à la route le sang, le sable et la douleur. Douche. Retour.

L’Institut. Les mômes. La course dans les couloirs. Défendre son repas. Veiller sur leurs rêves. Une leçon de biologie. Un tutorat. Aucun répit. Les clopes qui s’enchaînent. Une dès que ses doigts tremblants se trouvent inoccupés. Un paquet. Deux. Dix. Elle ne les compte plus. Quand vient la nuit, elle pousse le bouton des endorphines. L’apaisement par la science.

Dormir, mourir, dormir, rêver peut-être. C’est là l’obstacle.

Elle revoit les ombres, les articulations gonflées sur les membres squelettiques, les pieds qui claquent sur la paille putride. L’odeur de la merde et de la mort. Alors, la jeune femme reste en stase. Ni endormie, ni éveillée, saturant ses récepteurs mu et delta d’opiacés naturels. Le lendemain, il suffit d’inhiber et de repartir. Monotone et occupée.

Ce soir là, le salon est inoccupé. Les gosses sont en épreuve commune. La grande rousse est allongée, immobile, sur le canapé. L’esprit vide. En charge. La chimie s’occupera bien de chasser les démons. Le reste doit être marqué du sceau de l’oubli. Ellie observe le plafond, suit une fissure de ses yeux clairs. Apaisée. Aucun affect. Juste une bulle cotonneuse de bien-être béat qui éclate dans son crâne.

La porte s’ouvre et le trip se termine. Redescente aux pays des mortels. Ellie a de nouveau conscience de la pesanteur de son corps. Il faut se redresser. Se décider à sauter dans le vide. Encore. Ne pas trouver cela difficile. Remettre le masque. Une clope apparaît dans sa main et elle souffle un nuage spectral de fumée avant de parler. Son accent français est marqué.

-Vous devriez-être en épreuve commune. Votre diplôme n’apparaîtra miraculeusement pas sous votre oreiller ma chère.

Sa bouche se plisse face à la flaque d’eau qui se répand sous les pieds de la jeune femme blonde. Du parquet en chêne massif. Quel gâchis.
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MessageSujet: Re: At first sight   At first sight Icon_minitimeDim 2 Fév - 12:34


Quelque chose n'allait visiblement pas dans cette configuration. Alexiane avait toujours ressenti l'énergie. Contrairement aux magnétiseurs, elle n'avait jamais su l'influencer. Au moins était-elle au courant de son existence. Elle était partout, dans l'environnement, les objets, les gens. Passive, elle créait des courants paresseux, qui changeaient très rarement, à moins d'un événement majeur. Mais pour la première fois de sa vie, elle sentait que l'énergie qui émanait des murs avait quelque chose de plus agressif. Elle bourdonnait autour d'Alexiane. Le monde était brumeux.

"Epreuve commune. Diplôme". Travail. Les mots percent difficilement à travers les ombres. Un vague accent français qu'elle parvient à percevoir. La jeune femme tourne les yeux. Regarde sans la voir la silhouette allongée dans le canapé. Odeur de tabac. Blond. Frémissement. L'appel de la nicotine qui court dans ses veines l'arrache à sa contemplation. Des mots en allemand dans sa tête. Le souvenir de ce bureau en bois massif, assise sur cette chaise. L'acier qui mord les poignets. S'arracher au corps. Projeter les idées. Des petites victimes. Des allemands. On ne lui présentait pas. Elle n'avait rien à savoir. Elle avait juste à planter ses idées, et laisser faire. Une enfance dans les brumes. Une adolescence dans l'évaporation. Pourquoi cela avait-il cessé, Alexiane ne saurait le dire. Mais les souvenirs étaient là, épars.

La jeune femme secoua la tête. Tâcha de ramener ses idées en ordre de bataille. L'effort qu'elle fournit pour se souvenir et comprendre ce que la grande rousse venait de dire lui parut surhumain.

- Je n'ai pas pour habitude de dormir avec mon doctorat, ce serait dommage de le froisser, dit-elle d'un ton neutre, dans un français plutôt propre.

Alexiane était polyglotte. Elle savait parfaitement parler l'anglais, l'allemand, le russe et l'italien. Elle avait appris le français pendant ses années à l'université. Et si elle connaissait quelques subtilités de la langue, elle n'était jamais parvenue à se débarrasser de son accent allemand, reconnaissable quoique discret. Une goutte sur le parquet. Une mèche à nouveau derrière son oreille. Elle se débarrasse de son blouson en cuir sombre, le jetant sur sa valise.

- Alexiane Kojève. Je suis la nouvelle prof d'éthique.

Alexiane aurait pu étaler son pedigree, dire qu'elle enseignait aussi à l'université de Columbia, se la ramener avec son refus magistral à Freiburg im breisgau, juste pour se venger de ce qu'elle avait subi dans sa famille de cinglés, après avoir été l'élève de Martin Heidegger. Mais elle ne se permit pas cette prétention. Elle était relativement impressionnée par la grande rousse et préférait s'aventurer sur un territoire safe, plutôt que passer pour la jeune blondasse arrogante.

Et vu son air renfrogné, elle devait s'en foutre pas mal, au demeurant.

Alexiane tendit légèrement les doigts, saisissant un courant d'énergie, se concentrant sur la jeune femme. Il y avait quelque chose d'étrange. D'ordinaire, quand elle projetait un peu d'énergie vers les gens, ils renvoyaient une résistance assez risible, facile à contourner et briser pour instiller ses idées. La jeune femme ne renvoyait rien de cela. L'énergie se heurta à un mur infranchissable. Alexiane fronça un sourcil et fit un pas en arrière.

Vite. Meubler le silence gênant.

- Nous sommes collègue? On m'a dit qu'une chambre serait disponible, mais comme personne n'est là pour m'accueillir, je me disais que vous pourriez peut-être m'aider.

Elle était repassée en anglais. Trop embarrassée pour rendre justice à la langue de Molière.
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MessageSujet: Re: At first sight   At first sight Icon_minitimeDim 2 Fév - 14:45


Un souffle spectral encore. Le regard glacé d'Ellie suit les volutes bleutés alors qu'elle se concentre sur le velours qui épouse son corps, encore engourdi par les endorphines. Puis se plante dans celui de l'inconnue. Analyse les informations qui circulent. 49m.s-1. Le froid. L'humidité. Les mécanorecepteurs qui s'activent sous la déperdition de chaleur, rapportant au cerveau les données. Les frissons ne devraient pas tarder. Son attention se porte sur le rythme cardiaque. Régulier mais peut-être un peu rapide. Le sujet présente une hypothermie légère. Aucun danger.

Ses yeux retrace la courbe du menton où sont collés quelques mèches blondes. L'oreille. Le nez. La pommette. Une cicatrice. Les traits juvéniles mais pas suffisamment pour être adolescent. Un influx nerveux encore. Le manque de nicotine. Ellie range cette information précieuse dans son esprit entre les dossiers médicaux des élèves et ses films d'horreur préférés. Sa mémoire est une vaste maison où elle entrepose ses souvenirs. Des plus sordides dans la cave, sous cadenas, gardés par les crocs aiguisés d'un berger allemand au grenier, le plus précieux. Lumière blanche. Elle aimerait bien revoir la mer, la plage de Montauk en hiver. La brise sur ses joues. Le sable sous la neige. Le poids des jours anciens qui coulent de ses épaules. Ses vêtements qui s'écrasent sur la surface immaculée. Les uns après les autres. Son corps qui hurle lorsqu'elle le force dans l'eau. La brûlure soudaine, l'air qui s'échappe de ses poumons. La ruée des enképhalines dans son cerveau. L'apaisement. Enfin. Le calme. Et le ciel d'un blanc laiteux, le soleil discret et le cri des enfants au loin. L'abandon. La purification. Laisser derrière soi la crasse, les feux des fours crématoires, la fumée, l'Histoire avec sa grande hache. Des bras qui la tirent de l'eau. Ca va aller mademoiselle. Ca va aller. Vous allez vous en sortir. C'est fini. tout est fini. Vous êtes vivante. Son corps ne tremble plus. Se délivrer du poids des jours, ses pesanteurs qui vous enchaînent et vous retiennent au fond.

Ellie plisse les yeux. Cet accent. Elle le connaît. Le verrou tiendra. La porte grince et craque. La bête se débat. La Peur. Celle qui vous chope à la gorge et aux tripes, qui ne vous lâchent plus. C'est le son des ordres hurlés aux ombres d'hommes. C'est l'odeur des feux de bois, des os blanchis, de la fange. Ses lèvres ne forment qu'une ligne mince. La frontière.

-De l'éthique, hein ? Arrêtez-moi si je me trompe, mais ça n'a jamais été une discipline nationale.

Ses lèvres s'étirent en un vague sourire alors que sa voix charrie des icebergs.

-Mais comme on dit en français, ne jetons pas le bébé avec l'eau du bain. Ellie Dreyfus.

Sa voix insiste sur Dreyfus. Elle se redresse, tend un cigarette à Alexiane et tire une nouvelle bouffée, assise en tailleur sur le canapé.

-Vous en aviez envie. Pour en revenir à nos moutons, ma chère, je gère une partie du tutorat. Nous aurons donc à nous fréquenter. D'autant que nos chambres sont au même étage.

Un instant plus tard, elle est sur ses jambes. La nonchalance oubliée. D'un signe de la main, elle l'entraîne vers les escaliers. Indiquant les règles de vie au passage.



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MessageSujet: Re: At first sight   At first sight Icon_minitimeDim 2 Fév - 22:53


Ellie Dreyfus. Alexiane resta de marbre. Mais intérieurement, elle se mordait les lèvres. Elle était parfaitement consciente que son accent allemand chantait comme un grillon en plein coeur des baux de Provence. Ou plutôt crissait comme les freins des trains de banlieue au terminus. Et si elle était loin d'être une professionnelle de l'onomastique, il ne fallait pas être sorti de Saint-Cyr pour comprendre l'origine de son nom. Des Dreyfus, elle en avait vu passer, sur les listes de son père. Cet homme qu'elle conspuait et qu'elle avait fini par punir, une nuit hallucinée, où elle avait décidé, bien malgré elle, de passer à l'action. Tout s'était accéléré. Jusqu'à son coup d'éclat final à l'université de Fribourg. Mais ça, Ellie ne pouvait pas le savoir. Ni le deviner. Elle portait sur elle le visage de l'horreur. Ses cheveux blonds, ses yeux vairons.

Mais piquée au vif par la remarque de la jeune femme, elle tenta de se défendre. Sans trop insister.

- L'Ethique a été pensée en Allemagne par de brillants esprits, avant d'être bafouée. Mais la pensée est facilement négligée face à la folie.


Elle était définitivement repassée à son anglais fluide. Dans son regard, rien ne trahissait les souvenirs qui affluaient en elle, qu'elle s'était si bien appliquée à refouler, quand elle était enfant. La blessure était encore fraîche. Et aucun meurtre sordide dans une salle de soutenance ne saurait la cautériser.

Alexiane avait compris. Les murs. L'imperméabilité de ses timides vagues d'énergie. Elle la laissa reprendre son cours normal. Elle ne pourrait rien faire. Elle ne devait rien faire. Et ne pouvait lui en vouloir d'avoir instauré une frontière glaciale.

La jeune femme lui tendit une cigarette, l'arrachant à ses remords un peu hypocrites. Non, elle ne saurait prendre le destin de toute l'Allemagne sur ses épaules. Tout comme un hypothétique pardon de la part de son interlocutrice ne saurait incarner le pardon de tout un peuple violé par la folie. Et en dépit de la rage intestine qu'elle ressentait face à cette impuissance et cette injustice, elle devrait apprendre à composer avec. Difficile, pour une femme qui avait fait de la morale son cheval de bataille. Mais chacun portait sa croix. La sienne était lourde à sa manière.

Alexiane considéra la cigarette, un instant. Le trouble qui la mord. Comment avait-elle pu savoir ? Deviner ce besoin impérieux de ressentir le shot de nicotine dans ses veines, devenu l'une des seules manières de concentrer son esprit. Combien de plans avait-elle pondus après une cigarette salvatrice, combien d'articulations s'étaient forgées après la première bouffée, en amphithéâtre ? Elle la saisit entre ses doigts, après une légère hésitation.

- Merci. Ca se voit tant que ça que je suis en manque?

Cette déclaration, presque enfantine. Demander la permission. S'excuser. Se justifier. Elle qui avait défier l'élite intellectuelle avait encore bien du chemin à parcourir pour se convaincre de sa légitimité en société. Ses doigts tremblent légèrement quand elle craque son allumette. La première bouffée, automatique, la fumée qui ressort légèrement, puis qu'elle aspire. La recracher entre ses lèvres. S'en délecter. Quand elle vit qu'Ellie commençait à s'arracher de son canapé pour lui venir en aide, elle s'agita, nerveuse.

- Ne vous dérangez pas...

Sa voix mourut dans sa gorge. Elle se maudit. Elle aurait su se débrouiller. Elle aurait sillonné tout l'étage s'il l'avait fallu, en affichant sur son visage l'air affecté de quelqu'un qui connaissait précisément le chemin, mais qui était préoccupé par quelque chose. Cela fonctionnait bien d'ordinaire. Mais elle n'osa pas non plus le dire à Ellie. Il ne fallait sans doute pas la contrarié, d'autant qu'elle avait déjà fait l'effort de se lever.

Enfouissant ses mains dans ses poches, pour les empêcher de trahir sa nervosité, ou l'empêcher de faire usage de son pouvoir de sonde, elle suivit la grande rousse. Timide. Silencieuse. Retour à sa période gymnasium, quand elle était obligée de porter des jupes plissées sages, ses cheveux blonds tressés en une natte stricte. Die Stolz der Familie. Elle ne pouvait pas trahir l'espoir que l'on avait placé en elle, l'héritière de la famille Van Hammersmack. Alors elle avait appris à s'effacer. Et c'était cet effacement qui resurgissait à nouveau, au détour de ce couloir, derrière une inconnue envers qui elle éprouvait de la culpabilité. Reprends-toi, Kojève. Ce n'est pas ainsi que tu es née.

Elle écouta attentivement, mémorisant machinalement les lieux qu'Ellie lui présentait. Hochant la tête poliment. Ne surtout pas rappeler sa présence indigne.

Elles gravirent un escalier. Les règles de vie étaient certes strictes, mais n'excédaient pas la rigueur militaire de son lycée et de son université. Comme tout lui semblait lumineux, ici. L'ombre derrière elle s'éloignait. L'énergie continuait de pulser autour d'elle, et s'enroulait autour de ses membres, curieuse. Elle se sentait libre, à mesure que leurs pas les éloignaient du Petit Salon. Jusqu'à ce que son regard ne retombe sur Ellie. Prouver. Encore et toujours. Elle soupira intérieurement.

La migraine menaçait, comme à chaque fois qu'elle utilisait l'énergie sans parvenir à ses fins. Punition physique atroce. Surtout que les murs auxquels elle s'était heurtée n'avaient rien d'une banale barricade en bois. La fatigue commençait à envahir ses jambes. Elle ferma les yeux un instant. Cela faisait un certain temps qu'elle s'était refusée à utiliser son pouvoir. Et elle en payait le prix. Qu'elles arrivent vite aux chambres, qu'elle puisse s'isoler, faire le point et essayer de récupérer de l'énergie.



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MessageSujet: Re: At first sight   At first sight Icon_minitimeMar 4 Fév - 20:03


La jeune femme sourit, énigmatique. Tapote d'un doigt fin sa tempe. Aspire une bouffée de sa cancerette avant de l'écraser dans un pot de fleur. Onze minutes de sa vie qui partent en fumée. Peu importe. Sa première clope à sept ans et ne plus jamais s'arrêter. Ses lèvres égrènent les règles comme un moine ses prières. Repas à heures fixes, tour de garde, le lave-linge. Son esprit laisse le pilote automatique, vide et serein. Errer. Ellie a appris les moindres fissures, les accrocs du bois, les a cartographiés et classés dans une pièce claire et lambrissée. Exorciser la souillure et l'horreur. Un autre plancher. Les clous qui mordent la peau et le froid qui fait exploser les chairs.

C'est la furie qui se cache sous son lit. Regrets et culpabilité. La douleur insoutenable qui courre d'un corps à l'autre. La maladie. La mort qui hante, qui rôde. Les heures passées à apposer ses mains sur les fronts chauves, sur les plaies et le pus, la déchéance et le grotesque. Sainte Ellie des rats. Combien d'âmes sacrifiées pour qu'elle puisse survivre ? Combien de rations ? Et les ordres qu'elle entend hurler. Nuit, jour, aube et crépuscule. Le monde est sec et coupant. Ici nulle lumière. Nulle croyance. Nul espoir. Bloquée au plus obscur, trois heures du matin éternel comme une plongée sans fin dans une nuit sans fond, voilà l'Enfer.


-Voilà votre chambre.

Sa main sur la poignée. Elle se retourne. Figée. Les nocirecepteurs de son interlocutrice s'affole soudainement. Les vaisseaux sanguins se contractent sous les messages affolés du cerveau. Le rythme respiratoire s’accélère. Elle suit le courant. Cherche la source. Un vaste cluster énergétique l'attend de pied ferme. Plusieurs réseaux se croisent et font circuler une information contradictoire. Les muscles faciaux se contractent imperceptiblement, les membres supérieurs sont raides. Elle s'étonne que la jeune femme n'ait pas commencer à vomir. Une part de son esprit s'inquiète. Est-elle malade ? Contagieuse ? La sécurité des gamins est-elle compromise ?

-Vous souffrez.

Ses yeux clairs l'analysent. Sans compassion apparente. La tête penchée de côté, elle semble écouter. Malgré tout, Ellie a fait le serment d’Hippocrate. Elle ne peut la laisser ainsi. La porte s'ouvre. Les deux femmes pénètrent dans la pièce. La faire s'asseoir sur une chaise.

-Je suis médecin. Ne vous inquiétez pas.

Assise face à elle, elle se replonge dans le courant. Augmente la production d'enképhaline, atténuant les messages nocireceptifs. Joue sur les informations, les pirate. La douleur est encore présente mais le rythme cardiaque a ralenti. Satisfaite, Ellie s'adosse au fond de la chaise, un instant. Reprend son souffle. Au fond de la cave, la bête s'agite, mécontente.
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MessageSujet: Re: At first sight   At first sight Icon_minitimeJeu 6 Fév - 22:03


"Vous souffrez"

Dans une autre vie, Alexiane lui aurait sorti un retentissant "No shit Sherlock". Mais ce n'était ni l'endroit, ni le moment. L'attaque qu'elle était sur le point de subir allait être terrible. Elle avait eu le temps, après ces décennies passées à subir et tenter de maîtriser son don, de le comprendre et d'anticiper les effets secondaires. Elle ne maîtrisait pas tout - sinon, elle n'aurait pas lancé un tel afflux d'énergie vers Ellie -, mais elle comprenait le mécanisme.

La brume. Son champ de vision qui se réduit, envahi par la grisaille. Son cœur qui bat douloureusement dans sa tête. Elle voit à peine Ellie l'asseoir, sa voix étouffée. Il n'y a plus que ces battements. Irréguliers. La sueur qui mord sa paume. Sa respiration aussi. Profonde. Ralentie. D'ici quelques minutes, elle se mettrait à saigner du nez. Elle devrait se réfugier dans la salle de bain. Pour se purger. Son corps ne supportait définitivement pas ce déséquilibre énergétique. Réaction de rejet normale.

Elle voulut se débattre, la pousser à partir. Elle n'avait pas envie qu'elle soit témoin de sa déchéance. Elle ne parvint qu'à pousser un grognement vague. Elle avait l'impression que sa poitrine allait exploser. Ses mains s'enfoncèrent dans les accoudoirs du siège. Le visage incliné, elle serrait les dents. Un râle. Elle pouvait anticiper. Dans dix secondes, les capillaires. L'énergie autour d'elle l'oppressait. Aucune porte de sortie. La sueur mouillait son front et collait une mèche de ses cheveux.

Soudain, le rythme inégal de son cœur se brisa. Elle retint son souffle, s'attendant à une vague de douleur. Puis, la régularité. Doucement. La chaleur qui se fige dans ses veines brûlantes. Recule progressivement. Ses doigts se desserrent doucement, hésitant. Alexiane rouvrit les yeux. Une goutte de sueur s'arracha de sa tempe et s'écrasa sur le sol. La douleur était là, encore, irradiant dans son crâne, pulsant encore faiblement, rappelant sa présence sournoise sans avoir l'audace de la mordre à nouveau. Elle ne comprenait pas. La bête reculait. S'ébrouait. Hurlait contre quelque chose qu'Alexiane ne pouvait percevoir. Puis se repliant pour se réfugier dans les ténèbres de son esprit.

Cela ne pouvait être possible. Elle avait tout essayé. Du bête paracétamol, aux opiacés. Rien n'y faisait. Peu importe la dose. Se faire mal pour oublier la douleur. S'enfermer dans son monde. Rien ne pouvait lutter contre ces migraines. Elle ouvrit les yeux. Planta ses pupilles vairons sur le visage d'Ellie. Quel était ce pouvoir? Comment avait-elle fait ? Elle la regardait reprendre son souffle. Passant le revers de sa main sur son front, elle entrouvrit les lèvres. Lui poser la question. Tâcher de comprendre. Elle se ravisa. Alexiane avait du mal à imaginer Ellie loquace. Elle se contenta d'un simple mot, le soulagement dans sa voix :


- Merci.
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