Il y avait des jours plus faciles que d’autres, des jours où son esprit se murait dans une presque tranquillité, où sa conscience accusatrice restait en sommeil assez longtemps pour lui permettre de passer des instants sans rien pour venir lui ronger l’esprit. De passer une soirée avec sa solitude pour seule compagnie ou presque, sans se trouver assailli de colère ou de ressentiment, pour simplement vivre sa vie. A l’inverse il y avait des jours ou un orage grondant s’abattait sur son humeur, lui donnant de ses airs mal luné, l’absorbant dans un flot de pensées sous couvert de travail. Bref tout pour se focaliser sur un point et oublier tout le reste en attendant que l’obscurité ne s’éloigne que de quelques pas. Et enfin il y avait les jours comme aujourd’hui, ceux entre deux eaux, entre deux tempêtes. Les jours les plus fréquents, où même si il restait cet acharné du boulot à un point presque maladif, il en restait moins ombrageux, certes toujours un peu grognon, mais assez tranquille pour prendre le temps de penser à autre chose que la montagne de papier qu’il avait sous le nez ou qu’il ramenait parfois chez lui.

Ce n’était donc pas un de ses bons jours, mais ce n’était pas non plus un mauvais. C’était un de ses éternels entre deux, avec toute l’habitude et la banalité que sa vie pouvait avoir. Une journée passé dans les bureaux de la CIA, pour des besoins de collaboration, pour se tenir informer ou pour apporter quelques renseignements, cela variait d’une fois à l’autre. Ce n’était donc pas la première fois qu’on pouvait voir son ombre immense venir roder dans les couloirs, au milieu des bureaux et même y prendre place le temps d’un dossier, le temps d’une affaire. Parce que dans toute ces agences gouvernementales aux fonctions aussi diverses et en même temps proches les unes des autres il fallait bien que l’échange d’informations se fasse, parfois même une intervention groupé… En bref malgré son beau bureau de la NSA et le siège de la défense à Washington, il lui arrivait plus ou moins régulièrement de venir rendre visite à ses collègues de la CIA.

C’était d’ailleurs comme à son habitude qu’on pouvait encore le trouver, le nez penché sur une pile de paperasse, à noircir des lignes de dossiers de son écriture fluide. Il avait tout de même relevé la tête en entendant frapper, après avoir laissé entendre que son visiteur pouvait entrer, posant ainsi son regard sur le visage nettement moins sévère de l’agent O’Shea. Enfin Ciaran maintenant qu’il commençait un peu à réussir à passer au travers des airs grognons et ronchons de Neal. Une chose que devait bien lui reconnaitre Neal d’ailleurs c’était son optimisme et sa persévérance, Ciaran ne semblant pas vouloir accepter la cause depuis longtemps perdu qu’il était. De quoi le laisser souvent perplexe face à l’agent de la CIA et de son caractère, et c’est d’ailleurs ce qu’on trouvait en partie dans le regard qu’il lui lança face à sa proposition.

Soirée pub, ok il comprenait, un verre ça lui paraissait normal tout comme le fait qu’on envisage de l’inviter. Mais qu’on ait hâte de le voir ça lui donnait étrangement l’impression qu’un pari courrait sur sa tête. Un pari dont les enjeux pouvaient varier entre, arriverait-on à le faire sortir ou combien de temps mettrait-il avait de dire non … ou oui ? Après tout ça lui arrivait quand même de prendre un verre avec certains collègues de temps à autre. Et c’est sans mal que son esprit s’était lancé dans un savant calcul de probabilité pour tenter de découvrir les enjeux que pouvait cacher cette pourtant simple et anodine invitation. Alors oui il réfléchissait trop, oui il se méfiait sans doute de trop, mais ce n’était pas nouveau et ça l’avait grandement aidé à garder sa peau intact jusqu’à maintenant.

« C'est un pari ? Non pas que l’idée ne puisse pas être intéressante … mais juste pour savoir à combien son les côtes de me voir venir ? »

Il ne lui demanderait même pas sur quel option il avait mis sa mise, car vu les efforts que déployait parfois Ciaran pour tenter de le voir le suivre, il ne doutait pas que ce dernier ait parié sur sa venue. Une venue qu’il n’avait pas encore décidé, curieux de voir plus et surtout à quel point sa présence pouvait être désiré, même si refuser simplement avait pu être sa première idée.