I'm not a victim, I'm not a freak
Castiel Putnam & Regina Putnam

Washington D.C.

La gare était bondée en cette fin de matinée, comme d’habitude. Regina se fraya un chemin le plus rapidement possible, ne voulant pas rater l’arrivée du train de son fils.

Elle avait pris de l’avance, pourtant, mais sans surprise, il y avait eu du monde sur la route, sans compter le temps perdu à trouver une place sur le parking de la gare.

Enfin elle atteignit le quai correspondant à la voie 9, au moment où le train entrait en gare. Serrant son sac à main contre elle, elle attendit plus ou moins patiemment que le train s’arrête et déverse son flot de passagers.

Regina était toujours heureuse de voir ses enfants, Castiel et Lauralee. Depuis qu’ils étaient partis pour New-York, elle ne les voyait, hélas, plus aussi souvent qu’elle l’aurait souhaité. La distance n’en était pas la seule cause, loin de là. Regina reconnaissait que c’était en partie de sa faute, elle se jetait à corps perdu dans son métier, qu’elle adorait par ailleurs. Elle aimait se sentir utile, travailler à la protection et au bien-être des autres. Sa vision de la politique était peut-être idéaliste – on le lui avait reproché de nombreuses fois – mais avec sa détermination et son énergie, elle avait réussi à se faire élire Sénateur au Capitole. Son besoin de lutter pour les autres, ceux qui n’en avaient pas le temps, la motivation, s’exprimait aussi dans les quelques associations activistes qu’elle avait rejointes au cours des dernières années. Elle aimait ce train de vie, elle ne se voyait pas faire autre chose, mais elle regrettait que cela mette un frein à sa vie privée. C’était un sacrifice qu’elle avait toujours un peu de mal à accepter.

Néanmoins, depuis deux mois, elle avait revu ses priorités.

Dès que Regina fermait les yeux, elle revoyait le corps inconscient de son fils entre ses bras, pouvait encore sentir son sang sur ses mains, ses bras. Elle avait voulu profiter d’un déplacement à New-York pour faire une surprise à ses enfants. Quelle surprise ça avait été !

Elle était restée auprès de Castiel tout le temps de son séjour à l’hôpital, incapable de quitter son chevet. Elle ne réalisait toujours pas la chance qu’elle avait eu d’arriver à temps pour sauver Castiel de sa tentative de suicide.

Lorsqu’on l’avait autorisé à sortir de l’hôpital, Regina était retournée à contre cœur à Washington. Elle se doutait que Castiel ne devait pas aller miraculeusement mieux. Regina préféra ne pas penser aux raisons pour lesquelles son fils avait tenté de mettre fin à ses jours, elle ne voulait pas s’énerver inutilement juste avant de le retrouver ; elle préférait se rassurer en sachant que Castiel ne vivait pas tout seul, que Lauralee était là pour l’aider, et qu’elle-même passerait enfin du temps avec Castiel pour lui changer les idées.

Regina fut tirée de ses pensées par les voyageurs qui commençaient enfin à descendre du train. Il lui fallut quelques minutes pour repérer Castiel dans la foule, mais dès qu’elle reconnut son fils, elle leva le bras et agita la main tout en appelant son nom pour attirer son attention. Elle ne put s’empêcher de sourire. Malgré les circonstances qui l’avait poussée à revoir son fils, elle était plus qu’heureuse de se retrouver enfin avec lui.

« Du sang. Tellement de sang coulait de cette blessure. Jamais ce liquide ne lui avait semblé aussi horrible, il en avait vu si souvent. Mais ce n'était pas le sang séché et noir d'une victime de meurtre ou celui qui s'était écoulé de son poignet quand il avait voulu en finir. C'était celui de sa soeur, sa plus vieille et plus chère amie, l'amie que la vie lui avait donnée. Celle qu'il s'était toujours fait un devoir de protéger. La blessure de Lauralee saignait trop, ce n'était pas normal. La balle avait dû toucher une artère et Castiel ne pouvait rien faire. Il avait retiré le projectile, mais le sang coulait sur ses mains, sur ses manches. Et il avait l'impression que c'était son propre coeur qui saignait. Il avait échoué, il n'avait pas su la protéger. Sa soeur le regardait avec tendresse et lui caressait la joue. Elle tremblait dans les bras de son frère, mais souriait.
– Tout va bien, Castiel... tout va bien, puisque tu es là... comme tu l'as toujours été... mon frère... mon adorable et magnifique frère... tout va très bien...
L'arachnopathe l'embrassa sur le front en pleurant et la serra contre lui en lui caressant les cheveux et en lui murmurant des mots rassurants. Le corps de Sicca finit par se détendre complètement dans les bras de Black Widow et il ne sentit plus sa respiration ou ses battements de coeur. C'était terminé. Les yeux de Castiel devinrent noirs comme la nuit et il poussa un cri déchirant. Puis, il se tourna vers l'homme qui avait tué sa soeur, le monstre qui lui avait tout pris. Dean Douglas Putnam se tenait là, aussi droit et fier qu'un mur de prison, son pistolet encore pointé vers ses enfants. Sa main ne tremblait même pas, son visage était même presque réjoui. Il s’approcha de son fils, son arme pointée sur la tête de Castiel qui le regardait avec haine. Les araignées autour de lui devenaient folles face à la rage de l’arachnopathe, mais hélas, elles ne pouvaient pas faire grand’chose pour l’aider.
Dean posa le bout de son arme au milieu du front de son fils avec un sourire satisfait. Le mutant ne bougea pas, se contentant de fixer l’homme qu’il avait un jour appelé père. Il n’avait pas peur, il n’avait plus peur de quoi que ce soit.
- Mutant et fier de l’être, « Papa ». Tout ce que je regrette, c’est de ne pas pouvoir être là quand ton monde s’effondrera devant tes yeux…
L’ancien soldat lui jeta un regard mauvais et tira… »

L’arachnopathe se réveilla en sursaut, haletant et en larmes. Il se passa la main sur le visage et se tourna en tous sens pour se remémorer où il était. La silhouette endormie à ses côtés le rassura immédiatement et il se recoucha en essayant de calmer les battements effrénés de son cœur. Il prit de grandes inspirations pour ne pas faire de crises d’asthme. Pas la peine d’effrayer le jeune éphèbe avec qui il avait passé la nuit – une nuit particulièrement agréable, d’ailleurs. Castiel consulta sa montre posée sur la table de nuit : il était l’heure pour lui de partir, s’il voulait avoir le temps de se préparer avant de partir pour Washington D.C pour passer un moment avec sa mère.

Regina Mary Putnam était la femme que le jeune mutant admirait et respectait le plus et ce, pour plusieurs raisons qui chacune se suffisait à elle-même. C’était une mère absolument formidable, aimante, protectrice – peut-être un peu trop, mais ses enfants ne lui en tenaient plus rigueur - , compréhensive et ouverte. Elle avait une force de volonté et de caractère qui pouvait impressionner, voire intimider, mais qui lui avait permis de devenir une des rares femmes à avoir atteint le poste de sénatrice. Et elle avait le courage de ses opinions, elle ne craignait pas de proposer des idées que certains n’hésitaient pas à qualifier de « révolutionnaires » ou « d’aberrantes ». Elle croyait au fait que tous les Hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits, et elle était prête à se battre pour ça. Castiel avait toujours été impressionné par son courage et sa détermination. Et puis, sans elle, il ne serait plus de ce monde.
Le jeune homme chassa cette pensée d’un geste agacé tandis qu’il finissait de préparer ses affaires. Il ne voulait plus repenser à cela, ni au fait qu’il avait sans doute causé la peur de sa vie à sa mère. Il s’était conduit comme le dernier des imbéciles, il en était conscient. L’idée qu’il avait pu faire souffrir sa famille lui brisait le cœur et il avait bien retenu la leçon.

Une fois dans le train, il se mit à lire « Une Etude en Rouge » en triturant un peu son bracelet en cuir noir. Sa sœur lui avait souvent fait remarquer que pour cacher sa cicatrice, il lui suffisait de porter sa montre, au lieu de la garder dans sa poche, mais le jeune homme préférait le bracelet. Il n’aurait su dire pourquoi, mais le fait d’avoir un accessoire purement décoratif pour cacher la partie de son corps qui lui faisait le plus honte le rassurait. D’une petite dizaine de centimètres de large et décoré de petites araignées en métal, le bracelet quittait très rarement son poignet et le mutant avait une légère tendance à paniquer quand il ne le trouvait pas après l’avoir enlevé.
Quatre petites heures plus tard, son train arriva à Washington. Il rangea son livre dans son sac et sortit du wagon. Il y avait foule et Castiel espérait trouver sa mère rapidement, parce qu’il avait beaucoup de mal à supporter d’être au milieu d’une foule dense. Il n’avait jamais été très à l’aise entourés par des inconnus et cette gêne s’était accrue depuis sa tentative de suicide.
Il finit par apercevoir Regina et s’avança vers elle avec un sourire chaleureux. Une fois arrivé à sa hauteur, il posa son sac à terre et la serra dans ses bras. Ils étaient très proches et même si le jeune homme se plaignait parfois du côté mère-poule de la sénatrice, elle lui avait manqué.
- Comment se porte la meilleure maman de l’Univers et des environs ? demanda-t-il avec un sourire tendre.

Regina étreignit Castiel le plus fort qu'elle pouvait, comme si elle cherchait à lui faire passer toute la force de ses sentiments envers son fils à travers ce simple geste. Elle l'embrassa au niveau de la tempe avant de desserrer son étreinte alors qu'il lui demandait comme elle allait. Elle ne put s'empêcher d'éclater de rire à la manière dont il l'avait appelée et secoua la tête. Elle secoua une fois la main en l’air, comme si elle souhaitait balayer la question du revers de la main, la jugeant de peu d’importance.

" Ça va, ça va, répondit-elle en riant toujours un peu. "

Peu importait comment elle allait. Ce week-end entre eux deux était avant tout pour Castiel. Regina avait lu plusieurs livres tournant autour du suicide, suite à la tentative de Castiel, mais elle se se sentait aussi désemparée que lorsqu’elle avait appris la nouvelle. Rien ne l’avait préparée à cela. Même après avoir essayé d’en apprendre plus, de trouver des solutions pour aider Castiel à aller mieux, elle se retrouvait démunie.

" Et toi ? interrogea-t-elle, ne pouvant s'empêcher de prendre un ton sérieux. Tu vas bien ? "

Elle porta une main au visage de Castiel, lui caressant un instant la joue de son pouce. Dieu ! Qu'il lui avait manqué ! La dernière fois qu’elle l’avait vu avait été lors de sa sortie de l’hôpital. Elle n’avait pu, hélas, rester plus longtemps auprès de son fils car les affaires à Washington n’attendaient pas. Elle avait été quelque peu rassurée de le remettre entre les mains de Lauralee, sachant qu’elle prendrait soin de son petit frère. Bien que Regina les ait appelés tous les jours, elle souffrait de ne pas pouvoir se rendre à New-York comme elle le souhaitait.