♣ Décembre 1950, Busan, du moins ce qu’il en restait.
Il avait froid, il ne souvenait pas avoir eu aussi froid de toute sa vie. Tout le monde autour de lui courait, il entendait le bruit des explosions au loin. Derrière sa fortification de fortune, il avait tout le loisir d’observer le combat qui faisait rage. Pour le moment il n’était pas censé bouger, il faisait partie du second groupe. Les autres étaient la première rafale de soldats, et ils se faisaient écrasé comme des mouches, un à un ils tombaient et lui ne pouvait s’empêcher d’agripper désespérément son fusil. Il priait, pour la première fois de sa vie il priait, il priait pour que les lignes ennemies n’avancent pas plus, car eux n’avaient plus d’issues. A son âge il aurait dû encore être sur les bancs du lycée et pas ici ! Au milieu de cet enfer !
Il faisait de son mieux pour rester fort, avoir l’air impassible, mais il ne pouvait pas nier l’évidence. Il avait peur. Peur de mourir ici, peur qu’on laisse son cadavre parmi tant d’autre sur ce terrain boueux et ensanglanté. Il s’imaginait déjà défiguré par un obus et rongé pas les vers…
Il secoua la tête pour se remettre les idées en place, si il commençait à penser ainsi il pouvait être sûr de crever dans l’heure.
Alors qu’un soldat sautait par-dessus la palissade qui lui servait de seul rempart contre l’horreur du combat, il voit un soldat ennemi faire de même, suivant l’autre qui le fuyait. Il ne l’avait pas vu, il aurait pu rester là à ne rien faire mais il n’était pas un lâche malgré l’effroi qui semblait glacer tout ses membres, en plus du froid mordant de l’hiver qui les frappait.
Il empoigna son fusil et hurla à l’intention de l’ennemi qui courait toujours, celui-ci se retourna surpris et Hee Jun tira. Alors que la balle touchait son opposant, celui-ci tomba au sol, se vidant très certainement de son sang. Faisant fit de l’agitation au alentour, il s’avança vers cet homme. Un homme qu’il avait tué, pour la première fois il avait ôté la vie et la bile lui monta aux lèvres. Il se retint tout juste de vomir, voyant que l’homme n’était pas tout à fait mort. Il le regarda, pathétiquement enfoncé dans la boue et agrippa sa chaussure. Hee Jun se baissa à son niveau, plus il l’observait plus l’image qu’il se faisait de l’ennemie, le monstre barbare venue du nord qu’on lui avait martelé en tête pendant des années, s’effilait. Il n’était pas un monstre, il n’était pas dans le même camp et c’était tout. Il ne portait pas le même uniforme, ne défendait pas les mêmes idéaux mais ça s’arrêtait là. Il saignait comme eux, souffrait comme eux, mourrait comme eux : misérable. Celui-ci en profita pour l’empoigner , puis il le fit tomber à terre. Hee Jun se débattit dans la boue alors que l’autre montait sur lui et le frappait au visage. Il le vit qui essayait de chopper un couteau qu’il dissimulait sur son flanc et s'en empara avant lui, puis il renversa les positions et le poignarda. Il enfonça à maintes reprises le couteau dans la peau qui se déchirait facilement. Il se fit éclabousser par le flot de sang qui se déversait des plaies à chaque fois qu’il assénait un coup à l’homme, non l’ennemi qui gisait au sol inerte, mais ça ne semblait pas le distraire de sa tâche. Dans un dernier sursaut de vie, l’ennemi empoigna Hee Jun par le col, glissa une grenade dégoupillée dans son uniforme. Avec horreur celui-ci se redressa, mais trop tard, il n’avait pas le temps de la faire sortir. Il se recroquevilla alors par terre, et attendit. Alors que la grenade explosait, il se vit absorber l’énergie, indemne, seul l’onde de choc l’atteignit et l’envoya valser à plusieurs dizaines de mettre derrière les lignes ennemies. Sonné, il vit tout de même un soldat ennemi s’approcher de lui, arme au poing. Celui-ci l’empoigna par le col et le souleva comme si il ne pesait rien. Dans le but de se défendre, Hee Jun posa sa main sur le torse de l’autre, mais avant qu’il n’ait pu faire quoi que ce soit celui-ci implosa et le jeune homme se retrouva à terre une nouvelle fois. Cette fois recouvert du sang et de la chaire de celui-ci qui l’avait menacé quelques secondes auparavant.

13 ans plus tard, il était désormais à New York, loin de son pays natal. Loin de la guerre, mais pour combien de temps ?