La journée venait de se terminer pour le Docteur Cooper. Une autre croix sur son calendrier et la routine qui se poursuivait sans cesse. Non qu’il n’apprécie pas cette routine, ça lui allait parfaitement. Seulement, sa spontanéité dormait depuis longtemps au fond de son être. Peut-être même trop longtemps. Depuis son accident, il n’a jamais été le même. Mais comment pouvait-il le savoir ? Il ne se rappelait de rien avant cette journée fatidique. C’est alors que, tout en marchant jusqu’à chez lui, qu’il passa à côté d’un pub assez tranquille. Il passait devant ce pub tous les jours mais n’y portait guère attention. Mais cette fois ci, son regard sembla s’aimanté sur le panneau «ouvert». Il était 22h et d’habitude il retournerait chez lui, mangeant un petit quelque chose devant la télé et s’endormir. Peut-être avait-il sommeillé trop longtemps. Il ne se posa pas plus de question et entra dans le pub. À l’intérieur, l’ambiance était assez calme. Quelques personnes se parlaient, des petits groupes jouaient au billard, etc. Rien de bien spécial. David enleva son trench coat et s’assied sur un tabouret au bar. Il commanda une simple bière et regarda autour de lui, un mince sourire au visage. Peut-être avait-il l’air idiot, mais son brin de spontanéité lui plaisait. On pouvait vraiment avoir du plaisir à analyser les personnes qui se trouvaient dans le bar. Le solitaire, le dépressif, le soûlon, le chômeur, ou les gens qui y venaient par pur plaisir et contentement. Il vit un homme s’asseoir près de lui, qui ne semblait pas être à sa première bière. Un petit citoyen bien commun, pas beaucoup de cheveux, l’air sympa. David le regarda vacillé lorsqu’il demanda une autre consommation et sourit d’amusement. Il quitta le bar vers 23h30 et alla dormir dans son petit appartement. Pendant une semaine, il alla au pub à chaque mardi et jeudi (va savoir pourquoi…), juste pour briser sa routine quelque peu surement. À chaque fois, l’homme s’y trouvait. Au fur et à mesure que David avait pris l’habitude d’aller au bar, plus il rencontra d’autres clients régulier, avec lesquels il jasait beaucoup, mais il n’avait jamais pris la peine de parler à l’autre homme qu’il voyait pourtant toujours.

Un jeudi soir comme les autres, David se rendit au pub et prit une petite bière. Tout était calme, les gens avaient du plaisir (jour de paye…). C’est alors que le calme se brisa par une dispute entre deux hommes qui semblaient assez délabrés. David ne réussissait pas trop à entendre le sujet de leur dispute mais ils ne dérangeaient pas trop les autres donc, il préféra ne pas écouter d’avantage. Toutefois, le ton montait et montait entre les deux hommes saouls, et les clients du pub finirent par écouter les deux hommes. Le propriétaire et quelques autres hommes se préparaient à intervenir en cas de bagarre. David s’était levé et approché quelque peu des deux hommes. Il sentait que quelque chose allait mal tourner … C’est alors que l’un des hommes sembla se calmer et voulu quitter le pub. Mais l’autre individu n’avait pas terminé. Il sortit un couteau de sa poche et s’avança vers l’autre homme. Pour David, tout était au ralenti. Il vit l’homme sortir le couteau et en moins de deux, il réussit à lui tordre le bras, le forçant à laisser tomber son couteau. Il lui asséna un coup de point sur les côtes et l’homme perdit le balan. Le propriétaire et d’autres individus s’emparèrent de l’homme violent et le mobilisèrent. David revient un peu à la réalité, maintenant la bouffée d’adrénaline redescendu. Certaines personnes du pub le regardaient avec un air étrange, mais David ne s’en soucia point. Lui-même restait un peu incrédule. Il retourna s’asseoir à son siège et l’homme qu’il voyait tout le temps vient s’asseoir à ses côtés. David prit une gorgée de bière et entama une discussion avec son voisin de chaise.

- Cela arrive souvent ici ? Faut dire que je ne fréquentais pas ce pub avant…

Rien de bien intéressant à dire, mais il fallait bien commencer quelque part, en espérant que son voisin n’allait pas être trop indifférent à la discussion.

Musique. Ou pas. Qassim était là à tourner sur lui-même, à s’étourdir, à se moquer d’un oui ou d’un non. Que pouvait-il lui arriver de mal? Il pourrait se mettre à courir à poil en pleine rue que ça ne lui ferait ni chaud ni froid. Bon. À poil, c’était peut-être un peu excessif. Courir en spido en pleine heure de pointe sur le pont de Brooklyn en attendant qu’un chauffeur s’endorme au volant pour lui foncé dessus. On ne pouvait pas dire que le blond manquait d’imagination. Il trouvait toujours moyen pour renouveler ses idées tordues de tentatives de meurtre sur sa propre personne en allant toujours plus loin dans la limite du possible. À un tel point qu’il désespérait de seulement mourir d’une façon extraordinaire. Ça lui aurait plut, à lui, de mourir de façon extraordinaire, en sauvant un chiot d’un feu, par exemple. Mourir en héros, comme ceux qui berçaient son enfance, ça aurait été chouette. Mais non. Il était condamné pour le restant de ses jours à tout tenter et à demeurer aussi intacte qu’une statut de la Grèce antique à travers les époques.

Il cessa de tourner sur lui-même lorsqu’un projectile non identifié entra en collision avec son propre corps stellaire. Il mit d’ailleurs un certain temps à se rendre compte qu’il s’agissait d’un verre qui s’était renversé un peu partout sur un homme plus baraqué que lui-même et sur la fille qui l’accompagnait, comme de raison. Moue comme un spaghetti, Qassim perdit pied et se retrouva assis sur une chaise crasseuse au moment où le type lui balançait son poing… poing qui atteignit toutefois une cible un peu inattendu. Et il s’en suivit une réaction en chaine tout à fait inattendue, qui aurait normalement dû lui être destinée, mais dont il n’était plus que le témoin, à présent. Il attrapa son verre qui trainait sur la table à côté, du moins ce qu’il pensait sans doute être son verre, en suivant des yeux la querelle qui se transformait rapidement en quelque chose d’un peu moins propre et artificiel que ces quelques mots vulgaires. Et qui dégénéra aussi rapidement qu’un bâillement de mouton mal rasé. Les voix et insultes s’intensifiant, il cru bon de rester plaqué sur sa chaise… jusqu’à sursauter au moment où il perçu l’arme blanche et… et le type qui s’était fait assommer en moins de deux? Avait-il rêvé? Il n’avait pas même eut conscience que l’homme ayant intervenu avait seulement bougé. En fait, il ne l’avait même pas vu approcher des deux hommes. Comme s’il avait décidé d’être là, tout simplement. Sans doute Qassim n’était pas le seul à voir la chose ainsi vue le regard étrange que son voisin de table inconnu et aussi saoul qu’un éléphant de mer lançait au type qui était pourtant tranquillement retourné à sa place, ou du moins ce qu’il croyait sans doute être sa place.

Lorsque tout sembla vouloir se calmer de nouveau, il se leva, verre ne lui appartenant même pas à la main, pour éviter les corps dansant qui manquaient à chaque fois de lui écraser les pieds. Il buta finalement sur une fille qui s’était malencontreusement étaler sur le plancher en plein devant lui et, balançant vers l’avant, il alla directement se fracasser le crâne contre le dossier de la chaise du dit inconnu qui avait «sauvé» la situation un peu plus tôt et dont il n’avait vu que l’ombre. On aurait dit Lucky Luck en action. Crâne fracassé, donc, il s’étala à son tour à même le sol, alors que le verre faisait un vol plané impressionnant. Il se releva toutefois aussi sec qu’il ne s’était retrouvé par terre en manquant perdre l’équilibre, gêné qu’il était.

—Je-vais-biiiien! Qassim de s’écrier comme si de rien n’était malgré la blessure évidente qu’il venait de se faire en plein milieu du front. Il ne semblait d’ailleurs pas réellement s’en rendre compte et il oublia, une minute, pourquoi il s’était approché de ce type…

David n’avait pas trop compris ce qui s’était passé. Il avait vu la bataille et était intervenu à une vitesse qui l’impressionnait lui-même. Jamais autrefois n’avait-il participé à une bataille. Enfin, à sa connaissance. Après l’incident, plusieurs clients du bar lui jetèrent des regards interrogateurs et le sondaient constamment. Le jeune médecin préféra alors les ignorer, retourner à son verre. Que pouvait-il faire d’autre sincèrement. L’homme complètement saoul à côté de lui décida alors de se lever, et de rejoindre la piste de danse. Une poule décapitée aurait pu mieux danser que cela…pauvre homme. Au moins…il a du plaisir. Il y avait beaucoup de bruit et pourtant, David s’enfermait dans sa petite bulle, n’entendant que ses pensées. Par contre, si quelqu’un venait à le bousculer…il le sentirait. Il sentit alors quelque chose heurter son siège lourdement, sous les cris d’exclamation des autres individus. David vit du coin de l’œil un verre faire un vol plané à côté de lui puis il se retourna. Un homme se releva alors rapidement, faisant quelque peu sursauter le jeune médecin.

-Je vais biiien ! s’exclama-t-il.

David eut un léger sourire qui apparut sur ses lèvres minces et regardait le pauvre homme qui venait de trébucher. Celui-ci semblait quelque peu perdu.

-Vous êtes certain que ça va ? Vous semblez êtres blessé.

Le jeune homme lui fit signe que ça allait et s’assied au bar, l’air interrogateur. David se pressa alors de prendre un tissu qui se trouvait de l’autre côté du bar, le trempa et mis des glaçons à l’intérieur. Il en fit un petit sac et le tendit vers le blessé.

-Permettez ?

David appliqua alors le sac sur la blessure de l’homme, qui grimaça alors.

-Votre blessure sembla saigner beaucoup. Vous aurez surement besoin de point de suture.

David semblait avoir vu le visage du jeune homme plus tôt dans la soirée. Certes, il y avait tant de gens rassemblés ce soir, mais son visage semblait plus distinctif des autres. Bien sûr ! Il était là lors de la bataille, David l’avait aperçu du coin de l’œil, rien de plus par contre. Il ne pouvait pas forcer cette homme à avoir des soins, seulement le suggérer. Il attendit alors la réaction du pauvre homme, qui avait toujours ce bidule de sac à glace collé au front.

Perdu ou n’était-ce que désorienté? Quoi qu’il en soit, il n’était plus certain de ce qui l’avait poussé à prendre les devants jusqu’à lui. Peut-être parce qu’il avait sentit que quelque chose d’anormal s’était produit sans qu’il ne s’en rende vraiment compte, quelque d’extraordinaire, hors du commun et tout sauf d’une banalité médiocre. Pour toute réponse, il lui décrocha un sourire un peu niais, un peu lourdaud, un peu maladroit sans doute, avant se s’agripper au siège à côté et de se trainer de force jusqu’à parvenir un peu maladroitement à s’y asseoir. Sa tête lui semblait vibrer douloureusement et il eut soudainement envie de quitter les lieux, devenu un peu trop bruyant à son goût.

Le blond observa d’ailleurs le type un instant, alors qu’il se penchait en avant pour revenir vers lui. Comme quoi Qassim l’immortel intriguait sans qu’il ne le veuille vraiment. Pourquoi les gens s’obstinaient-ils toujours à vouloir soigner la moindre de ses blessures alors qu’il savait parfaitement qu’elle n’y paraitrait plus dans quelque temps, minutes ou heures, selon la gravité. Et sa coupure au front, sans doute n’en prendrait-elle que quelques minutes. Il passa d’ailleurs une main perplexe sur celle-ci pour constater le saignement. Il trouvait toujours fascinant de constater qu’une petite blessure pouvait parfois saigner autant qu’une grosse. Le mutant opina finalement du chef, laissant l’autre délirer dans son désir de soigner l’immortel qui s’était toujours imaginé, gamin, avoir cette capacité. À croire qu’il y était prédestiné. Ou qu’il la possédait déjà, à l’époque.

En saisissant lui-même le sac qu’il maintint sur sa tête encore un peu étourdie sous le choque, il se retourna et fit de grands signes à l’employé derrière le comptoir pour attirer son attention… et commander un simple verre d’eau. Le verre posé devant lui, il eut ce haussement des épaules si caractéristique chez lui. Il n’était pas forcément indifférent face aux conseils qu’on lui prodiguait, mais il savait parfaitement que c’était absolument inutile d’insister. Ça le surprenait même que personne n’ait jamais remarqué ce détail, lui qui se faisait imprudent et qui se brulait, coupait et cognait partout à tout bout de champ.

—Merci, mais non merci, lâcha-t-il enfin, saisissant le verre dont il but le contenu quasiment d’une seule traite, question sans doute d’effacer les traces de confusion qui devait encore régner sur ses traits d’adulte un peu trop gamin.

—Hooo vous en faites pas trop, ça va! Dans deux minutes ça ne saignera plus et dix, j’aurai déjà oublié.

Oui, parce qu’en fait, Qassim avait beau ne plus avoir une seule goutte de sang dans le corps, il était tout aussi énergique que s’il en avait plein. C’était un peu comme s’il n’avait pas besoin d’être vivant pour sembler l’être. Il pouvait se noyer et rester conscient. Il pouvait se bruler et en souffrir, mais être toujours là. Sans doute le feu finirait-il par le consommer en entier… et cette idée lui flasha désagréablement. S’il ne connaissait pas encore ses limites, il n’était pas certain de vouloir les tester jusque là.

—Vous seriez pas superman?

Baaam! Qassim l’imprévisible, Qassim l’imbécile, Qassim l’extraterrestre ambulant faisait son retour sur la scène, mesdames et messieurs!

Le jeune médecin observa le blondin vider son verre d’eau en si peu de temps, disant que sa blessure ne serait guérit en moins de deux minutes. Pourtant, son front semblait saigner beaucoup. Était-ce le patient dont Rupert lui avait parlé ? Le mutant qui guérissait super vite, de toutes blessures ? Si oui, David ne voulut pas le mentionner. Mieux valait garder cela pour lui, ne pas en faire tout un plat. Il trouvait cela quelque peu étrange pourtant, que personne de son entourage ne l’avait remarqué avant. Cet homme semblait assez énergique et maladroit, il devait surement se blesser souvent…Bref, que des hypothèses. Peut-être cet homme était-il aussi seul que David. Soudainement, le jeune blondin déposa la serviette remplis de glace sur le comptoir, demandant au jeune médecin s’il était superman. Au départ, David ne faisait que regarder la blessure de l’homme qui avait en effet beaucoup diminué d’ampleur. Par la suite, il porta attention à ce que le blondin venait de lui dire, et se mit à rire.

-Il y a beau avoir des mutants ici-bas, mais des héros fictifs je ne crois pas !

Le jeune médecin vida alors son verre et se retourna vers l’homme, qui semblait se poser plusieurs questions.

-Allons vous n’y croyez pas vraiment ?

Le blondin ne répondit toujours pas, simplement lui adressant un sourire en coin. Il fallait dire que David avait agi de manière étrange tout à l’heure, ce qui aurait pu faire naître ce questionnement dans la tête de son interlocuteur. Même le jeune médecin se posait de sérieuses questions…

-Et…qu’est-ce qui vous fait croire que je serais…un superman ?

Il fallait bien lui demander, après tout, il avait surement vu ce qui s’était passé lors de la bataille. L’homme s’était cogné la tête, mais ne semblait pas du tout fou ou désorienté. D’ailleurs, sa blessure n’était presque plus apparente.

La serviette toujours sur le front, il ne pouvait s’empêcher de jeter un coup d’œil curieux autour de lui, non pas que ça lui semblait étrange ni peu familier, mais l’autre qui l’accompagnait semblait bien décidé à lui paraitre tout sauf ordinaire, même s’il voulait bien ne pas le laisser pareil. Qassim avait beau être le plus naïf et gamin des hommes, ce n’était pas le dernier des imbéciles… Ou peut-être que oui, et c’était justement ce qui risquait de l’avantager. Il eut donc un nouveau haussement des épaules, qui eu pour effet d’accentuer ce tiraillement douloureux de la migraine qui ne tarderait pas à faire surface. Et lui, à ne pas tarder à outre le camp de ce lieu un peu trop bruyant à son goût à présent, même si le volume n’avait pas augmenté depuis, c’était tout de même l’impression qu’il avait. Et brusquement, il éclata d’un rire franc et amical. Si le type voyait sa tête, il rirait probablement autant que lui… ou pas.

—C’est bien de rêver, parfois, qu’il y a des héros dans les mondes de tous les jours. Ce n’est pas parce qu’on n’est plus enfant qu’on ne peut plus…

Et Qassim de se remettre à rire détourna enfin les yeux du brun pour se fixer sur un point noir sur le comptoir, comme s’il réfléchissait. Il n’avait jamais parlé de mutation avec qui que ce soit d’autre qu’Ashlyn. À vrai dire, il n’était même pas certains qu’il y eut d’autres gens comme elle et lui sur toute la planète. C’était un doute absurde qui l’assommait un peu plus à chaque fois qu’il y songeait deux minutes. Mais lui? Il ne savait trop que en penser si ce n’était qu’il était soit un super sportif rapide comme l’éclair ou alors il y avait un petit quelque chose d’autre que ni un ni l’autre ne voudrait jamais dire de vive voix, de peur, peut-être, qu’on ne les trouve trop suspect. Ou alors était-ce simplement de la méfiance l’un envers l’autre, comme deux animaux se jaugeant un instant, un très court instant.

Nouveau haussement des épaules un peu plus désinvolte, cette fois. S’il y croyait? Il pouvait bien croire qu’un héros volait quelque part pour vaincre les vilains que les simples mortels ne pouvaient abattre. Il pouvait croire et rêver des folies qu’il le voulait, n’est-ce pas?

—Peut-être que oui, peut-être que non.

Après tout, il croyait bien aux extraterrestre, pourquoi pas à Capitaine America?

—Rien ne me fait croire que vous êtes superman. Je dis ça comme ça, parce que ça sonne bien, je trouve, de comparer quelqu’un à superman. Vous auriez préférez que je vous compare à mon voisin, un gros bedonnant incapable de tondre sa propre pelouse? Personnellement, je préfère superman…

Vrai. Qassim était ainsi fait. Il était incapable de garder sous silence tout ce qu’il pouvait penser des gens ou des évènements qui l’entourait. C’était à croire qu’il était incapable de taire ses pensées les plus indiscrètes.

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