Il l’avait observé, une seconde, d’abord. Une minute, peut-être. Il se traita d’idiot, mentalement, et se fouetta de sa stupidité du moment. Il agissait comme si c’était lui qui avait besoin de réconfort. N’était-ce pourtant pas le policier qui était venu en quérir en toquant à sa porte? La situation lui semblait soudainement s’inverser et il ne l’avait pas réalisé jusqu’à maintenant. Et James? Peut-être que ça ne lui dérangeait pas. Peut-être que ça lui convenait que soit ainsi et non pas l’inverse. Peut-être qu’il oubliait de cette façon plutôt que de se morfondre sur un évènement sur lequel il ne pouvait pas revenir en arrière, peu importe les larmes versées et les cris poussés. Il ne pouvait pas complètement oublier la perte de son compagnon, mais il pouvait l’ignorer, un temps, et le brun songea qu’il aurait aimé lui prendre ce poids, un moment de plus. Et si le blond s’endormait là, contre lui, draps emmêlés, le réveil serait comme un coup dure dans la vie, dans la tête, dans le cœur, surtout. Se serait de revenir à la réalité. Parce qu’ils avaient été là à se perdre dans une bulle intime qui n’appartenait vraiment qu’à eux. Et c’était sans doute égoïste de sa part de penser que c’était ce qu’il préférait. Et James, lorsque la bulle éclaterait, reprendrait sans doute ses airs nostalgiques et mornes. Et il le comprendrait très bien. Ce n’était pas quelque chose que l’on pouvait mettre de côté et laisser là, comme un sentiment qu’il connaissait par cœur, sur le bout des doigts.

Et que pouvait-il répondre sinon se taire? Il avait raison. Il le savait parfaitement. Mais son caractère l’empêchait de complètement accepté ses dires. Il fit comme si, ne serait-ce que pour ne pas le décourager, ne serait-ce que pour ne pas l’emmerder davantage. Il ne souriait pas, mais il fit comme s’il avait décidé d’accepter de cesser de harceler sa propre conscience de toutes ces sombres pensées qu’il fit taire, tout simplement, un temps. Il ne bougea pas davantage lorsque les lèvres du blond vinrent de nouveau rencontrer les sienne, ultimement, ou peut-être ne serait-ce que pour marquer la fin d’un premier chapitre et le début du second, de la suite, de l’indéfini. Il tiqua un peu, momentanément, en l’écoutant parler, en le laissant le frôler comme personne n’avait fait, ou comme personne n’avait jamais osé faire… ou plutôt comme il n’aurait jamais laissé faire quiconque, à vrai dire.

—Mon appartement n’est pas assez bien pour les beaux yeux de monsieur?

Il plaisantait, bien sûr. Il avait toujours été seul dans cet endroit. Et il n’y dormait pas toujours, profitant un peu des soins de la Confrérie. Et James? Il ne savait pas trop. Il n’avait sans doute pas osé lui poser la question. Jayden n’avait jamais été très doué pour avoir de relations très… intimes avec quiconque. À vrai dire, c’était sans doute le pire des dragueurs que la planète ait porté. C’était, à son goût, un vrai miracle de se retrouver entre ses bras. Il glissa finalement une main contre ses côtes qu’il laissa là, paraissant somnoler comme il le pouvait. Décidément, James provoquait de véritables petits miracles dans son comportement.

—Tu veux rire? J’adoooore les chiens.

Bon, on sentait quand même le sarcasme à travers la voix qu’on sentait tout de même écrasante. Et la réponse semblait assez claire. Il ne s’opposait pas à l’idée. Pas du tout, même. Même s’ils semblaient tous les deux avoir oubliés le détail de leur situation… James faisant suivre Jayden, et Jayden étant sur le point de faire la pire bêtise de son existence…

Jayden n'avait rien répondu, restant silencieux il l'avait fixé sans émettre de réponse quelconque qu'elle soit positif ou négative, mais le blond espérait vraiment qu'il l'écoute pour une fois et qu'il arrête de s'en vouloir parce que ça ne serait strictement à rien et que ça ne changerait rien non plus après tout.  Il avait sourit à son commentaire avant de se redresser légèrement, le fixant dans les yeux.

- Je suis content que mes yeux soient à ton goût mais je suis sur que les yeux magnifiques que sont les tiens aimeront encore cet appartement.

Il resta quelques instant silencieux, fixant les yeux du brun qu'il apercevait encore grâce à la lumière extérieur qui se frayait un chemin dans la chambre, des yeux qui prenaient des nuances différentes selon l'éclairage, selon la lumière, des yeux que James aimait regarder et s'amusait même à noter ces changements de nuances. Mais il ne saurait néanmoins pas décrire les nuances, il fallait les voir pour comprendre que ce n'était pas descriptible très clairement, mais il s'en foutait, personne n'allait l'aborder pour savoir de quelle couleur étaient les yeux de son compagnon.

- Et puis de toute façon, mon appartement est plus prêt du poste, tu sais j'aime bien avoir mon cota de sommeil...

Il émit un rire avant de se poser sa tête sur l'oreiller, dans cette même position latérale, se collant toujours à Jayden, qui posa sa main contre ses côtes, geste que le blond appréciait, il avait l'impression de retrouver le Jayden qu'il avait connut. Il leva les yeux au ciel en étendant sa phrase un peu sarcastique sur les bords mais il ne refusait pas, il accepté de rester avec lui, chez lui. Et c'était bien la meilleure nouvelle de la journée, de ces derniers jours même.

- Et puis je suis sûr qu'Indi t'appréciera.

Il ferma les yeux quelques instant, il aimerait faire durer ce moment plus longtemps, faire durer ce moment rien qu'à eux, parce qu'ils oubliaient tout, ils oubliaient leurs soucis, leurs malheurs, leurs bêtises. Ouvrant de nouveau les yeux, il fit glisser sa main vers son torse et l'effleurant doucement, traçant quelques fois du doigt le contour d'une cicatrice, il resta un peu pensif avant de briser le silence reposant.

- Tu ne connais pas un mutant qui peux arrêter le temps ? Je veux pas que ce moment se termine...

Il soupira et se cala un peu plus contre lui, appréciant le contact de sa peau contre la sienne, le souvenir de leur rencontre lui revint en tête et il sourit. S'il y'avait  bien une personne à remercier c'était sa sœur, si Tess n'avait pas invité un jour Jayden pour manger avec eux chez elle ils se seraient probablement jamais rencontrés et n'aurait pas vécu tout ça. Et même si dans le « tout ça » il y'avait une part de souffrance, il ne changerait rien, parcequ'il avait appréciait leur début de relation, plus que de raison probablement en développant des sentiments et maintenant il l' appréciait tout autant.

- Tu me ferra penser à remercier Tess de ce repas qui a permit tout ce qu'on à vécu.

Il eut un haussement des épaules, appuyé contre les draps, appuyé contre une histoire étrangère qui leur appartenait dans le vacarme de ses propres battements de cœur. Il n’avait pas forcément parlé de yeux pour les faire réagir à ce sujet. Ce n’était qu’une expression qu’il avait employé, mais ça le fit sourire, doucement. Et il ne lui dirait sans doute pas ce que ça lui faisait, en fait, cette proposition d’appartement. Jayden… qui avait toujours vécu comme un grand solitaire depuis toutes ces années, à qui on proposait une compagnie constante? Il devait bien se dire que ça l’effrayait un peu, bien qu’il n’en dise pas mot. Il ne disait toujours pas un mot, ce contentant de cette étrange immobilité, de cette proximité familière et pas tout à la fois. Il le connaissait par cœur et même temps, il lui semblait être un parfait étranger allongé près de lui. Ils avaient joués le jeu de l’ignorance, ce soir. Et c’était bien ainsi. Mais il ne pouvait ignorer tout ce qu’il avait fait. Même s’il lui pardonnait. En se revoyant la première fois, ça avait été si brutal, ça avait été si différent de tout ce qu’ils avaient déjà vécu jusqu’à maintenant qu’il avait peur de se revoir sous ses propres traits haineux. Parce que même s’il se dissimulait toujours, cette colère grondait continuellement en échos perpétuels dans son esprit. Et ce n’était pas de la faute à James. Mais il avait peur. Peur de ce qu’une crise pourrait lui faire faire.

Alors il l’observa, à travers le jeu d’ombre qui filtrait dans la petite pièce, et réalisa qu’il n’avait pas à craindre son propre comportement envers le blond, que pour rien au monde il ne voudrait lui faire un réel tort, même s’il y était contraint, même s’il le ferait, un eu contre lui-même, à vrai dire. Il était soulagé, quelque part, de le trouver toujours près de lui malgré toutes les épreuves, et il s’en contentait parfaitement, éloignant ses sombres pensées.

—Ho, hey bien… je n’ai jamais repris contacte avec Tess. Avec Sarah non plus, d’ailleurs. Je ne sais pas ce qu’elles deviennent comme… je ne savais pas non plus ce que tu devenais. J’ai été stupide de croire que partir arrangerait tout ce que je ne pouvais pas dire à l’époque.

Nouveau haussement des épaules, un peu plus agacé, cette fois. Il bougea, attrapa les draps sous lui, se débattit une seconde pour les passer par-dessus les deux corps et se retrouva finalement sur le dos, à fixer le plafond, une seconde, songeur. Il savait que James ne voulait plus l’entendre parler de la sorte, mais c’était une façon de faire, bien à lui, qui était plus forte que lui. Comme s’il ne savait faire autrement. Il l’imaginait très bien soupirer près de lui, d’agacement peut-être, en se rendant compte qu’on ne changeait pas le côté culpabilité du brun en un claquement de doigt. Et il lui lança un regard comme pour lui demander, en silence, de ne pas relever ce qu’il venait de dire. Et puis il ferma les paupières, glissant son brans jusqu’à toucher ou frôler son corps, ne serait-ce que pour se rassurer qu’il était là, et qu’il ne se sauvait pas s’il s’endormait dans la minute.